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Réforme du collège : la coalition du refus

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Sondage : soixante pour cent des Français sont opposés à la réforme du collège proposée par la ministre Najat Vallaud Belkacem ! Qui donc sont ces adversaires du projet ? Pourtant, jusqu’ à la présentation du projet de la ministre, il y avait un accord assez général sur la nécessité d’une réforme en profondeur du collège, considéré par presque tous comme « le maillon faible du système éducatif. » Réformer le collège était donc un passage obligé pour la refondation du Système éducatif lancée par F. Hollande et les ministres de l’Education. Las, le consensus a volé en éclats et on assiste à l’alliance, a priori improbable, mais objective, entre les tenants de la droite la plus réactionnaire et certaines organisations qui se disent de gauche.

Années collège, danger de décrochage

On connaît les difficultés des enfants à l’école primaire ; une trop forte proportion arrive en sixième sans une maîtrise suffisante de la langue et des bases de mathématique. Mais tant bien que mal, ils restent intégrés au système éducatif. Crise de l’adolescence, difficultés des adultes (parents et autres) à garder le contact avec le jeune qui peu à peu va « décrocher. » Ils sont 200 000 chaque année, comme l’indique ici l’Observatoire des inégalités.

L’article cité souligne l’effet des pesanteurs sociales dans la répartition de ces échecs : « 48 % des décrocheurs ont un père ouvrier, contre 5 % un père cadre supérieur. » S’il n’y avait que cette donnée, elle suffirait à justifier la volonté de la ministre de lutter contre les inégalités au collège.

Ne négligeons pas non plus la crise de l’adolescence. Non pas pour « excuser » les « mauvais » élèves, mais parce que c’est une donnée à prendre en compte, surtout dans un contexte de compétition féroce : sélection draconienne, sans pitié pour les relégués. Le collège ne doit pas aggraver ce mal-être qui touche presque tous les ados à un moment ou à un autre.

La réforme proposée par Najat Vallaud-Belkacem veut que chaque jeune se sente bien dans son établissement. Cette simple idée a révulsé les tenants de l’éducation par la contrainte. Comme si rien n’avait changé depuis le temps où Jules Vallès dédiait son livre L’Enfant  : « À tous ceux qui crevèrent d’ennui au collège ou qu’on fit pleurer dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres, ou rossés par leurs parents. »

Un long processus de négociation en amont

Contrairement à ce que prétendent les adversaires, cette réforme a été préparée par des discussions et des négociations ; elle a été validée le 10 avril par un vote du Conseil Supérieur de l’Education, à une majorité de 2/3 !

Sans entrer dans les détails qu’on trouvera par exemple ici, « Mieux apprendre pour mieux réussir » notons quelques points :

Ajoutez à cela que le ministère a prévu d’affecter 4 000 postes supplémentaires pour la mise en oeuvre de sa réforme...

Sans le latin, sans le latin....

Même si c’est faux, les opposants ont brandi comme une menace la disparition du latin, signe tangible de la haute valeur à l’antique ! Bien placé pour mesurer les mérites des langues anciennes, j’ai quand même apprécié à sa juste valeur ce superbe pataquès d’un député UMP qui se plaignait des attaques contre Bruno Le Maire : « des attaques inadmissibles ad NomineM ». Ce grand défenseur du latin nous a servi un joli barbarisme qui donne envie de le renvoyer sinon à sa classe de 4ème, du moins aux pages roses du Larousse...

Car le latin reste un marqueur de l’élitisme. Que la droite, qui considère que les inégalités sont « naturelles » se livre à des contorsions pour promouvoir un collège « diversifié » loin du projet de collège de l’égalité des chances que défend Najat Vallaud-Belkacem, cela ne surprend pas. Mais bien d’autres qui affichent l’égalité comme principe marquent dans leurs pratiques une préférence pour l’inégalité ! je vous invite à lire le coup de gueule d’Antoine Prost, historien reconnu de l’éducation, qui en a marre de la nostalgie élitiste.

La droite et l’éducation : un triste bilan

Les faiblesses et les carences de notre système éducatif sont connues. J’avais pourtant été surpris quand M. Juppé avait semblé découvrir que les maîtres du primaire étaient bien plus mal payés en France que dans le reste de l’Europe (voir ici mon article d’octobre 2014.)

La droite ferait bien d’assumer sa responsabilité dans la crise de l’Education et les médiocres résultats constatés par l’enquête PISA (plus d’info ici). Durant le mandat de Sarkozy, dont on connaît la méconnaissance et le mépris du monde l’éducation, 80 000 postes d’enseignants et 35 000 postes de surveillants ont été supprimés. Le ministère avait aussi supprimé une matinée d’école dans le primaire.

Ci-dessous, une petite vidéo sur l’enquête PISA 2012


PISA : la France "travaille pour ses élites... par lemondefr

Plus près de nous, nous pouvons observer dans quelles conditions matérielles sont accueillis les élèves du collège Jean-Loup Chrétien, le retard pris par la construction de celui d’Elven (voir dans cet article, le paragraphe : Les collèges ? De mauvais exemples ! Questembert, Elven et Malansac.

Une femme, une arabe, une musulmane

Dans le déchaînement contre la ministre, je ne peux m’empêcher de voir le sexisme et le racisme : après la black Taubira, la beurette Belkacem... L’un se demandait « sur quels atouts elle avait joué pour convaincre Hollande » (voir le message sur les réseaux sociaux ici). Un autre, aux Grandes Gueules, disait qu’elle n’était qu’une pucelle en politique ! Très élégant, n’est-ce pas ? Mais on l’attaque surtout sur son origine et sa culture. Comme ce message d’un certain Robert Meyer (suspendu depuis de la fédération UMP de la Loire)

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Un tweet bien raciste contre Najat Vallaud-Belkacem

Une réforme avec les enseignants

Malgré les réticences, les freins corporatistes, malgré la désinformation systématique, la réforme est attendue par une majorité des enseignants, des parents et elle se fera et contribuera à la nécessaire refondation de l’école, qui doit redevenir le creuset de l’égalité et de la citoyenneté. Et pour résister au déclinisme ambiant, je vous suggère une lecture qui redonne une note d’espoir en dépit de son titre : Chagrin d’école, de Daniel Pennac, un roman autobiographique qui raconte le parcours du cancre qu’il était avant de devenir professeur.

Interview de Daniel Pennac à propos de son livre Chagrin d’école

Publié le mercredi 3 juin 2015, par Paul Paboeuf.

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