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Prendre la plume pour le Canard Enchaîné

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La lecture du Canard enchaîné est fort instructive. Il arrive pourtant que, pour faire vite, il oublie de tourner plusieurs fois sa plume dans l’encrier pour prendre le temps de vérifier. Le numéro du 20 juillet reprend, dans une minimare, les données d’un rapport de la Cour des Comptes sur l’endettement des collectivités qui a crû de 45% en six ans et donne le commentaire suivant : la dette publique, c’est pas que l’Etat. Sur la même page, il se gausse de Benoît Hamon qui veut distinguer l’investissement et le fonctionnement dans le déficit de l’Etat. Soyons plus précis.

La dette des collectivités et celle de l’Etat

D’abord, il faut voir le poids relatif de la dette des collectivités locales dans le total de la dette publique. Les collectivités ont des dettes dont le montant total fin 2010 était de 163 milliards d’euros à comparer avec les 1 591 M € de la dette de l’Etat. La dette des collectivités ne représentent donc que 10 % de la dette publique en France. Pour en savoir plus, voir ici
l’article de Wikipedia,
dont est tiré le graphique ci-joint.

Il faut ajouter que les Collectivités doivent, comme la loi le prévoit, présenter un budget en équilibre réel. Gare à ceux qui tenteraient de s’affranchir de la règle : alerté par les services du trésor, le préfet refuserait leur proposition budgétaire et leur enjoindrait de revoir la copie.
L’équilibre global peut être atteint par l’inscription d’emprunts, mais ces emprunts doivent être affectés à des investissements, à des biens durables (routes, écoles, médiathèques, etc) et en aucun cas ne peuvent servir à financer les frais de personnels ni les frais généraux de la structure.

Distinguer fonctionnement et investissement : la vraie règle d’or

Cette distinction entre l’investissement (durable) et le fonctionnement est un bon garde-fous pour la gestion communale, et Benoît Hamon, qui a sûrement d’autres torts, fait une suggestion intéressante pour le budget de l’Etat : il n’est pas absurde d’emprunter pour bénéficier dès aujourd’hui d’un bien qui va durer longtemps sans attendre de pouvoir le payer comptant. Ça se vérifie tous les jours : j’ai besoin d’une voiture tout de suite, je peux demander un prêt ; ou bien encore j’emprunte pour acquérir la maison ou l’appartement où je vais loger ma famille. C’est tout autre chose que d’emprunter pour payer les vacances ou même pour remplir le frigo. Ce que fait l’Etat, et particulièrement, sous le règne de Sarkozy, qui creuse la dette pour assurer les dépenses quotidiennes de l’Etat. Sachant que près de 75% des investissements publics sont réalisés par les Collectivités, on comprend bien que ce n’est pas pour investir que le gouvernement emprunte.... Et ce malgré la frime du « grand emprunt ».

Couvrir la charge annuelle de la dette et amortir les investissements

La gestion des collectivités est aussi soumise à deux autres contraintes : les recettes de fonctionnement (impôts, dotations de l’Etat, autres recettes réelles) doivent permettre de couvrir les dépenses courantes (salaires et frais généraux pour faire simple) mais aussi couvrir la charge annuelle de la dette (intérêt et capital) ainsi que les dotations aux amortissements. En effet, les biens durables se déprécient avec le temps et il faut prévoir leur remplacement par l’amortissement. La collectivité peut définir la durée d’amortissement qu’elle va appliquer aux biens qu’elle acquiert : deux ou trois ans pour des matériels informatiques, 5 ou 6 ans pour un véhicule, et pourquoi pas trente ans pour des réseaux d’eaux usées, puisque la durée de vie prévisible de ces réseaux est au moins de cet ordre là.

Vous voyez que ces règles, somme toute assez simples à comprendre, pourraient s’appliquer de façon pertinente à l’Etat. Qui se verrait obligé d’équilibrer ses dépenses de fonctionnement... en y incluant les dotations aux amortissements (ce serait combien pour le Charles de Gaulle ?) et assurer la couverture complète des annuités d’emprunt (intérêt et capital) avant de solliciter de nouveaux emprunts pour le deuxième porte-avions ou pour financer des investissements de long terme dans la recherche, par exemple.

En résumé, la dette des collectivités s’est accrue, oui, mais le rapport de la Cour des Comptes dit aussi que cette dette ne représente que 10% de la dette publique et qu’elle est gagée sur des biens durables. Quant à la distinction entre le fonctionnement et l’investissement proposée par Benoît Hamon pour les finances de l’Etat, elle n’est pas si ridicule qu’elle puisse faire rire un canard goguenard, mais pas assez bien informé.

Pour prolonger, voir le rapport de la Cour des comptes sur la dette publique locale à télécharger ci-dessous. Avec une présentation ici sur le site Vie publique.

Publié le vendredi 29 juillet 2011, par Paul Paboeuf.

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