La jeunesse, une génération sacrifiée ?
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« J’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » C’est la première phrase du livre de Paul Nizan, Aden Arabie. Dans ce livre publié en 1931, (c’est la crise !) Paul Nizan dresse un portrait au vitriol de son époque. Ce n’est donc pas un livre à l’eau de rose, mais l’époque n’était pas non plus la belle époque, d’avant la guerre de 14, comme aujourd’hui, les Trente Glorieuses ont laissé la place aux Trente Piteuses... Pourtant, la société de consommation apporte à tous - ou presque - l’illusion de l’abondance sans limite. La jeunesse d’aujourd’hui en profite à plein sans avoir en mémoire la frugalité imposée qu’ont connue leurs parents. Ils ont tout : téléphones portables, consoles de jeux, scooters, vêtements de marque. Sous l’apparence de la profusion qui étouffe ces enfants gâtés, il faut rechercher la réalité de la crise que vit la jeunesse et rechercher des pistes pour y répondre.
Trouver un emploi
Régulièrement, vous entendez et vous lisez des chiffres alarmants : plus de 20% des jeunes Français seraient au chômage ! Et, comme toujours, la comparaison se fait avec l’Allemagne... Une fois de plus, c’est une manipulation statistique, commune chez les communicants de Sarkozy. Ce chiffre renvoie aux jeunes classés dans la population active, c’est-à-dire sortis du système éducatif. Évidemment, ce chiffre même corrigé, est terrifiant et il montre bien la difficulté des jeunes à trouver un travail, surtout s’ils sortent trop tôt et sans qualification de l’école. Mais quand Sarkozy évoque cette situation, il devrait – s’il avait un sou de décence – regarder comment les politiques qu’il a imposées ont aggravé la situation : heures supplémentaires détaxées pour ceux qui ont déjà un emploi, recul de l’âge de la retraite qui oblige les papy-boomers à rester au travail et prive les jeunes générations d’emplois de remplacement sans parler de l’immigration choisie, expression qui devrait tous nous faire rougir de honte puisqu’elle réduit les hommes au prix de leur force de travail. Voir plus de détails ici.
Quant à ceux qui ont franchi les écrémages successifs de notre système éducatif, trop élitiste, ils sont à peine mieux lotis. Quand on a 20 ou 21 ans, la change d’obtenir d’emblée un CDI est quasi nulle : ballottés entre stages, chômage, EMT (évaluation en milieu de travail !), CDD, missions d’intérim, ils sont la chair à canon de la flexibilité du marché du travail, les plus exposés à la précarité. Bien sûr, il y a des différences, les plus lourdement frappés sont les moins qualifiés, ou les jeunes issus des zones défavorisées (banlieues ou campagnes écartées). Ajoutez à cela des difficultés de mobilité : transports publics inexistants, accès au permis de conduire, coût d’achat et de revient de la voiture nécessaire...
L’autonomie grâce au logement ?
Au cinéma, Tanguy a fait rire ou sourire. Dans la réalité, Tanguy n’est pas agrégé, s’il a de la chance, il a décroché un CDD au salaire de base, qui ne lui permet pas de quitter le domicile parental et de construire son autonomie d’adulte. Si le job est loin du domicile parental, la seule solution sera la colocation, avec des « potes » soumis aux mêmes contraintes. On se gaussait des « kommounalki » soviétiques, ces appartements collectifs où s’entassaient des familles sans autre lien que la nécessité de se loger. Voilà que chez nous, le capitalisme financier, avec la rente servie aux heureux propriétaires (gavés au Robien et au Scellier) réinvente l’appartement collectif ! Avec une cruauté inconsciente, les plus de cinquante ans prélèvent en loyers encaissés une part importante des maigres revenus des plus jeunes. Dans l’Enfer de Dante, Ugolin en vient à dévorer ses enfants pour sa propre survie : on y est presque !
Ugolin dévorant ses enfants,
Groupe relié en plâtre Paris, © RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Une génération perdue ?
Le Bureau International du Travail (BIT) voyait poindre le risque d’une génération perdue, constituée de jeunes gens qui sont totalement détachés du marché du travail et ont perdu tout espoir de pouvoir travailler pour gagner décemment leur vie. Les effets de la crise auront des conséquences à long terme sur la carrière de ces jeunes qui ont eu la malchance de faire leurs premiers pas sur le marché du travail au plus fort de la crise. C’est ce que l’on appelle « l’effet cicatrice ». Plus le chômage dure, plus cela tire le salaire à l’embauche à la baisse. Un retard qu’il est ensuite très compliqué de rattraper.
Des choix politiques clivants : droite ou gauche, c’est pas pareil
Pas la peine d’attendre des réponses de Sarkozy et de ses communicants : obsédés par la baisse du coût du travail qui permet la maximisation des profits, appliqués à démanteler notre système éducatif, ils ont déjà fait les choix qui condamnent toute espérance à notre jeunesse. Permettre aux jeunes d’accéder à l’emploi doit être une priorité absolue. Un jeune sans emploi, c’est un jeune sans espoir ! Cela suppose un effort considérable dans l’affectation des ressources publiques qui sont rares, qui le seraient moins sans les cadeaux fiscaux de ces dernières années. En supprimant les exonérations sur les heures supplémentaires, on récupère à peu près 4 milliards (par an !), ceci pour donner un exemple. Sous des formes à peine différente, les candidats de la gauche ont inscrit cette priorité dans leur projet.
Ils entreront dans la carrière quand leurs aînés...
La position des seniors est aujourd’hui la plus favorable : ils ont bénéficié des « progrès » des Trente Glorieuses, ils ont des retraites souvent correctes (on connaît les exceptions), ils détiennent la majeure partie du patrimoine, et en plus ils sont en bonne santé et envisagent de vieillir longtemps. Tant mieux. N’oublions pas non plus que dès leur jeunesse, ils ont tenu les leviers du changement social ! Même si cela fâche le président Sarkozy, l’esprit 68 a transformé durablement notre société. La jeunesse de l’époque portait l’innovation et se trouvait en mesure de l’imposer à la génération précédente. Écartés de la vie économique, marginalisés par la toute puissance des plus anciens, les jeunes ne peuvent pas participer au changement social. Trop d’entre eux d’ailleurs se laissent endormir dans le sirop de la consommation facile. Quant à ceux qui tentent de lever la chape de plomb, affirmant leur « indignation » ou faisant bouillonner la marmite de leurs idées iconoclastes, ils ont bien de la peine à se faire entendre. Il faudra pourtant que les vieux laissent la place, car on n’a jamais gagné la guerre avec les anciens combattants.
Publié le lundi 15 août 2011, par .
Messages
1. La jeunesse, une génération sacrifiée ?, 16 août 2011, 16:51, par Daniel.Laudrin
Jolie analyse mais je pense que la violence capitaliste libérale (la loi du marché !) oblige à une violence d’un autre type que l’on voit éclater ça et là dans le monde et que les « politiques », suivis par les médias, mettent sur le dos de pseudo délinquants qui ne pensent qu’au pillage. Le pillage est aussi un geste politique anti libéral de survie... Les jeunes d’aujourd’hui ne sont peut être pas une génération perdue parce qu’ils ont la possibilité de changer l’avenir du monde... Ce monde qui n’est plus à la veille de la guerre de quatorze mais qui est bien pourri !
Mais l’espoir de changer le monde est un espoir révolutionnaire et les révolutions font beaucoup de cocus... L’éradication de la connerie humaine est une utopie.
Mais je garde cet espoir même si la révolution fait en général et fera, beaucoup de dégâts. Après tout, on vient de 1789 !
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2. La jeunesse, une génération sacrifiée ?, 16 août 2011, 21:05, par Claude
Félicitations pour cet article de fond.
D’une part , je voudrais insisté sur l’impact du coup du logement : car il concerne les étudiants, les jeunes couples, les retraités et même les plus âgés locataires dans un foyer logement ou une maison de retraite. Les sacrifiés sont intergénérationnels, ce sont ceux qui ne possède pas leur logement.
J’ai un fils étudiant à Nantes, ses études et en particulier le coût du logement représentent une lourde charge, ce que n’ont pas connu mes parents lorsque j’étais étudiant à Lille dans les années 60.
D’autre part, les collectivités locales viennent souvent en aide aux jeunes et plus particulièrement les villes universitaires.
En Seine St Denis, ce sont les jeunes des quartiers populaires qui trouvent dans le département un rempart. En Poitou-Charente, c’est le Pass contraception pour les jeunes filles, c’est une aide à la complémentaire santé que verse la Région Ile de France, c’est le contrat d’autonomie qu’a mis en place la Loire-Atlantique, ...
Partout les collectivités territoriales sont actives dans le quotidien des jeunes : transports en commun à tarif réduit ; constructions des écoles, collèges et lycées ; édification des équipements culturels, sportifs et associatifs.
La réforme territoriale va peu à peu assécher les financements et diminuer les suppléments de service rendus au quotidien et les problèmes pour les jeunes ne feront que s’aggraver.
Dans leur galère quotidienne, les jeunes pouvaient encore compter sur les régions, les départements et les communes. Mais demain si la réforme voulue par Sarkozy est appliquée, les contraintes budgétaires seront trop fortes, il faudra peut être choisir entre l’aide aux associations et la construction d’une maison de retraite, alors les jeunes, comme les salariés aujourd’hui, seront considérés comme une simple variable d’ajustement.
A travers cette néfaste réforme la jeunesse est attaquée par la remise en cause de l’action des collectivités locales.
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1. Il n’y a pas que les jeunes qui vont trinquer …, 18 août 2011, 13:22, par Guillaume
En mai le gouvernement a diminué les subventions destinées à l’hébergement d’urgence (-25% pour le Samu social de Paris).
Le manque de logement et la pauvreté étant particulièrement importants en cette période de crise, le très chiraquien Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social, a démission de la présidence et les salariés ont fait grève.
La ville de Paris a pris provisoirement le relai devant l’absence de l’Etat en accordant une prime exceptionnelle. Mais tous les Samu sociaux ne bénéficient pas de telles largesses. Ainsi à Toulon, le Samu social attend toujours les subventions de l’Etat mais aussi du Département et de la Ville.
Suite à cette carence de l’Etat, les personnes en grande exclusion sont de plus en plus privées d’accueil d’urgence.
Les Collectivités locales, de plus en plus étranglées financièrement, ne vont pas pouvoir longtemps palier aux pénuries se l’Etat … et pendant ce temps, des maires, dont notre Ministre des Finances, Maire de Troyes, prennent des arrêtés anti mendicités, histoire de passer la pauvreté à son voisin et à cacher la misère sous les tapis !
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3. Révolte mondiale de la jeunesse ?, 16 août 2011, 21:55, par Paul Paboeuf
Michel Fize, sociologue au CNRS, va plus loin.
Il évoque une « révolte mondiale de la jeunesse »
À lire ici
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4. La jeunesse, une génération sacrifiée ? , 31 août 2011, 06:57, par Vivement 2012
L’UMP toujours prompt à fustiger l’emploi dans les collectivités locales, compte pourtant beaucoup sur elles, pour créer un maximum d’emplois aidés et faire baisser le chomage . Et pourquoi pas des « EMPLOIS JEUNES » qui redonnent confiance en l’avenir aux jeunes et à leurs familles !
Dans une note du Ministère aux sous-préfets : « (...) il est démandé aux sous-préfets de promouvoir les contrats aidés, notamment auprès des collectivités territoriales et de leurs EPCI pour les inciter à l’embauche et au cofinancement de contrats, dans le cadre des conventions annuelles d’objectifs avec les conseils généraux (...) » .
Note confirmée dans une déclaration le 25 août par Xavier Bertrand : « J’attends aussi un engagement significatif des conseils généraux »
En cas de baisse du chômage, Xavier Bertrand pourrait vanter son action, tout en laissant aux menteurs de l’UMP,le soin de montrer du doigt les conseils généraux de gauche coupables d’augmenter la pression fiscale locale !
Mais que ne ferait-on pour maintenir dans l’emploi en 2012 ... les ministres et députés de la majorité présidentielle ...
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5. Répondre aux attentes des jeunes, 31 août 2011, 21:02, par Annabelle
La jeunesse, vous le montrez bien dans votre article, est en première ligne face à la crise, et nous n’attendons rien de Sarkozy d’ici la fin de son mandat, nous ne croirons pas non plus aux promesses qu’il va lancer avec son staff de communicants.
Les extrémistes vont tenter de jouer sur les peurs et aussi sur les espérances des jeunes. Mais les jeunes ne se laisseront pas endormir. Ils attendent qu’on les écoute et c’est la proposition de François Hollande : dès sa désignation aux primaires il lancera des Etats généraux de la jeunesse.
« Nous le ferons en veillant à ce que toutes les organisations qui le désireront y participent » pour avoir le débat le plus large et aussi « la somme de propositions qui pourront influencer ou alimenter nos propres engagements », a-t-il assuré.
Voir ici
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6. La jeunesse, une génération sacrifiée ?, 8 septembre 2011, 19:37, par Guillaume
Lundi dernier (le 5 septembre), la dette française a fait l’objet d’une attaque spéculative historique, sans que nos ministres n’aient fourni le moindre commentaire, la moindre explication, la moindre proposition. Par contre Barroin et Pécresse se sont lancés très fiers d’eux mêmes dans un long discours d’auto-congratulation, et de moralisation sur la conduite budgétaire autour de la règle d’or. Or, cette règle est inutile. Elle est redondante avec le pacte de stabilité, qui en tant que traité international prévaut sur la constitution. La règle d’or apparaît alors comme une opération marketing d’une mauvaise foi absolue du type « faites ce que je dis, pas ce que je fais. »
Le nouveau collectif budgétaire, prétendument réactif, ne présente aucune mesure d’économie, aucune mesure pour la croissance, seulement des suppressions d’exonération très partielles et qui ne permettront pas à la France de sortir de cette crise économique et financière.
Le Gouvernement continue une politique qui aggrave les inégalités sans rassurer les Français et particulièrement la jeunesse. C’est une politique de l’affolement qui ne répond pas aux problèmes, seule une remise à plat sans tabou de la fiscalité comme le propose François Hollande permettrait à la France de se relever.
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1. La jeunesse, une génération sacrifiée ?, 9 septembre 2011, 08:19, par Jean Nairalbol
Le gouvernement met en oeuvre une politique budgétaire catastrophique !
Dans son projet rectificatif, il vient de minimiser les dépenses dues aux interventions militaires en particulier en Libye et omet celles engagées pour la sécheresse.
Alors que la France est en pleine récession, il maintient une politique d’austérité qui vise à faire payer la facture par les plus pauvres, tout en offrant 2 milliards d’euros de réduction d’impôt sur les fortunes, aux plus riches.
Selon l’Inspection des Finances, la moitié de niches fiscales sont inefficaces cependant elles sont maintenues. Par peur des chiens qui y dorment ? Plus certainement par clientélisme ! Ainsi le Gouvernement prive les contribuables , au travers de l’Etat, de 54 milliards d’euros.
C’est une politique injuste, inefficace , dangereuse , complètement farfelue et pendant ce temps mes parents rament pour payer mes études et plus particulièrement mon logement.
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7. La jeunesse, une génération sacrifiée ?, 19 septembre 2011, 14:10
La Région Bretagne offre le chèque sport aux jeunes de 16 à 19 ans
Lancé à la rentrée 2008/2009 pour favoriser la pratique sportive des jeunes, le chèque sport permet à chaque jeune de bénéficier d’une réduction de 15 € pour toute adhésion annuelle à un club sportif breton (hors association sportive interne à un établissement scolaire : UNSS ou UGSEL). Cette aide individuelle unique s’adresse à tous les jeunes nés entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1996. L’objectif est d ’encourager à la fois la pratique sportive des jeunes et l’activité en club, qui permet un encadrement et renforce les liens sociaux. Une action emblématique d’une politique qui vise à faciliter l’accès au sport pour tous.
Comment ça marche ?
Chaque jeune peut imprimer son chèque sport et le présenter à son club sportif qui appliquera alors une réduction de 15 € sur le montant de l’adhésion. Les clubs se verront remboursés par la Région Bretagne.
A voir sur le site de la Région
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