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La casse de l’école

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Réduire les dépenses publiques, voilà comment le gouvernement prétend résoudre les difficultés qu’il a lui-même suscitées en distribuant des cadeaux fiscaux aux plus favorisés. Avec une mesure emblématique : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux. Cela se traduit pour le prochain budget par la suppression de 16000 postes dans l’Education, dont près de 9000 au niveau du primaire.

Trop de fonctionnaires ?

Le discours est bien rodé : en France, on a trop de fonctionnaires, ce sont des nantis, des parasites. Alors commençons par une mise au point, tirée d’une étude menée par le Centre d’Analyse Stratégique, qui dépend de François Fillon, premier ministre. Cela s’appelle le Tableau de Bord de l’Emploi Public. Plusieurs journaux s’en sont fait l’écho ; même L’expansion se pose la question : Y a-t-il vraiment trop de fonctionnaires en France. Et l’article commence par le chapeau suivant : « Contrairement aux idées reçues, la France se situe dans la moyenne des pays développés en nombre de fonctionnaire par habitant et en poids des dépenses de rémunération dans le PIB. La preuve en chiffres. »

L’école primaire et l’enseignement supérieur, les parents pauvres

Mais s’il y a un domaine où nous sommes au-dessous de la moyenne des pays développés, c’est pour l’école ! Si l’on ne prend en compte que les effectifs enseignants, la France présente l’un des taux d’encadrement les plus faibles, avec 6,1 enseignants pour 100 élèves. Ce taux est de 8 enseignants pour 100 élèves dans le secondaire (contre 12 pour 100 en Grèce ou en Suède), c’est-à-dire dans la moyenne des pays de l’OCDE. En revanche, il est particulièrement faible dans l’enseignement primaire et le supérieur : 5 %, l’un des scores les plus bas au niveau international. Et cela risque de ne pas s’arranger, puisque 16 000 nouvelles suppressions de postes sont prévues dans l’Education nationale en septembre 2011. Les enseignants français sont par ailleurs globalement moins bien rémunérés que leurs confrères de l’OCDE.

Encore des suppressions de postes !

Le ministre Allègre prétendait dégraisser le mammouth Education Nationale, aujourd’hui, le ministre Chatel (ancien du marketing de l’Oréal) en organise systématiquement l’anémie. L’accès des enfants de moins de trois ans en maternelle est de plus en plus difficile, les RASED (Réseaux d’Aide aux élèves en difficulté) sont démantelés, les remplacements ne sont plus assurés. Et, avec la présentation de la carte scolaire (après les élections de mars, tiens, tiens !), on a fait les comptes : 43 postes en moins dans le Morbihan (maternelle et primaire). La purge est si sévère que l’enseignement catholique a organisé une protestation au niveau régional. Mais du côté du ministère, on affirme « qu’on peut faire sans problème 16 000 suppressions de postes en 2011 !!! »

Des professeurs sans formation

Désormais, les enseignants sont recrutés au niveau master (bac+5) mais ils n’ont plus de formation professionnelle puisque les IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres) ont été supprimés. Comme s’il suffisait d’avoir un gros diplôme de maths pour enseignant les rudiments de l’algèbre à des gamins de 12 ans. D’ailleurs, beaucoup de jeunes professeurs ont vécu leur première année comme un calvaire. Le journal Libération a d’ailleurs publié tout au long de l’année le journal d’un professeur débutant, qui montre bien la dureté de l’épreuve.
Au ministère, un rapport officiel a reconnu le malaise des profs stagiaires, surtout dans le secondaire.

Le mépris, le dénigrement

Le métier est dur, et il le devient de plus en plus. La décence commanderait qu’on épargne aux enseignants le mépris dont ils sont accablés et le dénigrement systématique. Connaissant le milieu de l’intérieur, j’en connais les défauts et les manques. Je sais que parfois les seules revendications qu’on entende soient plus de moyens" revendications sommaires qui masquent d’autres besoins et d’autres réflexions comme celles que menait Philippe Meirieu.

Un enjeu pour 2012

C’est Martial Limouzin, un des responsables de l’enseignement catholique en Bretagne, qui le dit : « l’éducation sera un des objets majeurs des élections de 2012. »
C’est vrai que l’éducation coûte cher, est-ce une raison pour faire le choix de l’ignorance ? Une société qui choisit de réduire l’effort pour la formation de sa jeunesse tourne le dos à son propre avenir et prend le risque de s’enfoncer dans le sous-développement. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?

Publié le dimanche 22 mai 2011, par Paul Paboeuf.

Messages

  • Que penser de cette ahurissante organisation par le Rectorat de Paris via Pôle Emploi d’une foire aux enseignants fussent ils remplaçants ?. Elle témoigne du dédain du Gouvernement pour l’éducation et du manque de clairvoyance du Ministre Chatel, qui en est réduit à recruter dans la précipitation des professeurs non formés, non préparés et précaires.

    L’Education, la Justice, la Police, l’a Santé, …, seront à rebâtir après l’absurdité de la politique de ce gouvernement. Mais derrière ces Services Publiques ce sont les enfants, les justiciables, les citoyens et les malades qui pâtissent et souffrent de cette politique ahurissante !

    Vivement 2012 !

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  • Je transmets ci-dessous le message des documentalistes du lycée Marcellin Berthelot ; un exemple concret de la casse de l’école.

    Information aux parents d’élèves
    Non renouvellement de contrats au CDI et à la maintenance informatique

    Dès la rentrée prochaine, il manquera au CDI 20 heures de travail sur un total de 65 heures (assurées par 1 poste et demi de documentalistes titulaires, et par Mme Jousselin, recrutée en Contrat Universel d’Insertion). Ceci aura des conséquences sur l’amplitude d’ouverture et l’accueil au CDI :

    • la fermeture du CDI le midi (soit 5 heures d’ouverture en moins).
    • un accueil restreint (CDI accessible seulement aux classes inscrites avec un enseignant) ou inexistant lorsque nous serons en intervention auprès d’une classe.
    • une demi-journée de fermeture hebdomadaire, déjà effective depuis la disparition d’un mi-temps de documentaliste en 2005 (soit encore 4-5 heures d’ouverture en moins).

    Or, notre lycée se situe dans une zone essentiellement desservie par les transports scolaires. Les élèves sont donc présents de 8h à 17h30, sans compter les internes. Cette année, notre CDI était ouvert 40h sur les 45h de cours que compte potentiellement la semaine de cinq jours dans notre établissement.

    C’était un progrès considérable, dont vos enfants, nos collègues et nous-mêmes avons pu bénéficier grâce au recrutement, en mai 2010, de Mme Jousselin, en Contrat Unique d’Insertion. Au terme d’une année, où nous l’avons formée aux tâches de gestion et d’accueil, elle a su se rendre indispensable par son efficacité. Les élèves ont apprécié ses qualités humaines et relationnelles.

    Quatre jours avant la fin du contrat de Mme Jousselin (le 12/05/2011) nous avons appris qu’il ne serait pas reconduit, malgré le vote favorable du Conseil d’Administration. Ce départ précipité et sans préavis nous semble profondément inhumain et dénote le mépris de l’Institution pour ses personnels, quel que soit leur statut. La priorité pour ce type de contrat (d’un an, renouvelable) se porte en effet sur l’aide aux élèves handicapés, dans la limite des quotas octroyés par l’Etat. Etant donné l’âge de Mme Jousselin (plus de 55 ans), ce C.U.I. aurait pu être renouvelé pendant cinq années. Mais c’est sans compter les soubresauts d’une politique de l’emploi régentée par les besoins statistiques du Ministère de l’Economie et des Finances (à l’initiative de ces contrats précaires) !

    Inévitablement, avec le départ de Mme Jousselin, nous devons déjà faire des choix parmi nos missions de professeurs-documentalistes : pédagogie, accueil et gestion du fonds. Dès septembre, nous serons parfois amenées à refuser des classes ou à fermer davantage le CDI aux élèves venant individuellement. En effet, il faut savoir que, grâce au bon équipement de notre local et à ses ressources informatiques, nous accueillons toute l’année au CDI les Travaux Personnels Encadrés (TPE) en 1e, l’accompagnement personnalisé en 2nde, l’ECJS en 2nde et 1ère, certains cours de latin et de section européenne. Nous participons à la formation et au suivi de ces classes, ainsi qu’à celles venant ponctuellement au CDI. La présence de Mme Jousselin permettait d’assurer un accueil aux autres élèves, malgré la fréquentation importante de ces groupes (entre 20 et 25 heures sur un total hebdomadaire de 40h d’ouverture soit l’équivalent horaire fourni par Mme Jousselin).

    De même, l’ouverture culturelle proposée par le CDI en souffrira : faute de temps, le projet « Interpolar » (une approche pluridisciplinaire des sociétés françaises et étrangères à travers le polar), qui rentre dans sa troisième année, reste en suspens.
    Tout ceci représente une régression pour la qualité du service, ce que nous regrettons profondément.

    Par ailleurs, le C.U.I de M. Chandelier (recruté en septembre 2009 pour assurer la maintenance du réseau informatique du lycée) n’est pas renouvelé lui non plus. Il effectue ce travail à raison de 26 heures hebdomadaires en appui d’un agent titulaire dans l’établissement. Son départ nuira également aux conditions de travail des élèves et des enseignants.

    Nous faisons appel à votre soutien pour interpeler les autorités administratives sur ces deux cas.

    Nous vous invitons à vous joindre à nous le mardi 7 juin : un rassemblement des enseignants est prévu devant le lycée à 11h15 pour réclamer le renouvellement de ces deux contrats. Nous nous chargeons de contacter la presse et les élus locaux. Venez nombreux pour soutenir le lycée de vos enfants !

    Emmanuelle Leroy et Patricia Rougelin, documentalistes, avec le soutien de l’équipe éducative.

    Lycée Marcellin Berthelot, Questembert.

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    • Pendant que Chatel supprime des CDI au Lycée de Questembert, des professeurs des Ecoles dans nos Communes, etc, le professeur de philo à l’Université Paris-Diderot, Luc Ferry, qui plus est ancien Ministre de l’Education Nationale, n’assure pas ses cours bien que rémunéré 4.500 € net par mois pour quelques heures.

      Il est vrai que ce « moraliste » ne peut être devant ses étudiants et courir de plateau Télé en plateau Télé ou déblatérer aux « Grosses Têtes ».

      J’avais entendu les ténors de l’UMP, décrier les décharges des enseignants, « Ils seraient mieux devant les élèves », voilà un emploi fictif à supprimer et largement de quoi employer plusieurs CDI au Lycée Marcellin Berthelot !

      Mais d’abord qu’il rembourse !

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    • Que les cancres passés, présents et futurs se rassurent (leurs maîtres aussi) : on peut être nul en maths (seulement ?) et néanmoins ministre (de l’Education-qui-fut-Nationale par-dessus le marché).

      C’est clair, Luc Chatel ne sait pas compter
      http://www.lepost.fr/article/2011/0...

      D’accord, c’est pas ça qui va ramener les postes supprimés mais on peut quand même savourer un peu !

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  • Petit écho sur libé

    L’affaire de Claude Guéant et de ses statistiques bidons sur l’échec scolaire des enfants d’immigrés prend un tour surréaliste. Coupable d’une lecture très approximative d’une étude de l’Insee, le ministre de l’Intérieur avait assuré que les deux tiers d’élèves sortant du système scolaire sans qualification étaient des enfants d’immigrés… avant d’affirmer dans la foulée que deux tiers des enfants d’immigrés sortaient sans qualification du système scolaire.

    Guéant ne lâche pas. Vendredi, deux motards de la police sont arrivés à Libération pour livrer un nouveau courrier. Signé Guéant, qui persiste. Il faut croire que le gouvernement souffre de carences mathématiques. Luc Chatel, ministre de l’Education, a lui aussi échoué la semaine dernière sur RMC à résoudre un problème de maths de niveau CM2.

    Ce qui a inspiré le comité de défense de la statistique publique : dans un communiqué vachard, le collectif écrit ainsi : « Les ministres du quinquennat 2007 ont deux fois plus de chance de ne pas maîtriser la règle de trois que les autres. Ainsi, selon la règle Guéant, les deux tiers des Français qui ne maîtrisent pas la règle de trois sont des ministres. » M’étonnerait pas qu’ils reçoivent un courrier.

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