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Jean Jaurès, toujours d’actualité

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A l’initiative de notre association Questembert, créative et solidaire, Jean-Pierre Fourré, ancien député, et ancien vice-président de l’Assemblée nationale, désormais installé à Rochefort-en-Terre, est venu parler de Jean Jaurès. Plus de soixante personnes ont assisté à cette conférence passionnante. Je n’en ferai pas un compte-rendu, car vous pouvez vous procurer le texte de cette intervention (2€) dans sa librairie Le Bonheur permanent, 7 rue Candré à Rochefort. Je me contenterai, à partir de mots – clés, de partager les réflexions que cette soirée m’a inspirées.

La Guerre et la Paix

Nous commémorons le centenaire de la guerre de 1914. Et le centenaire de l’assassinat de Jean Jaurès, militant de la paix, adversaire résolu de cette guerre. Il avait lutté contre la loi des Trois Ans en 1913. Mais dès 1911, il mettait en garde les nationalistes revanchards : « Et qu’on n’imagine pas une guerre courte, se résolvant en quelques coups de foudre et quelques jaillissements d’éclairs […]. Ce seront des masses humaines qui fermenteront dans la maladie, dans la détresse, dans la douleur, sous les ravages des obus multipliés, de la fièvre s’emparant des malades. » (Débat du 20 décembre 1911.) Ses deux derniers discours à Vaise, près de Lyon, et à Bruxelles, sont des appels à préserver la paix. Mais le 31 juillet, il est assassiné à Paris, au café du Croissant par un ultranationaliste. Pacifiste, Jaurès restait un patriote ; héritier de la révolution française, il considérait que, lorsque la patrie est en danger, le devoir de tout citoyen est de servir son pays.

Laïcité : respect des consciences

Son époque est aussi le temps de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’affaire Dreyfus avait ravivé les tensions entre l’Eglise et la République et les premières moutures de la loi sont bien plus anticléricales que la version finalement adoptée. Jean Jaurès a contribué à apaiser les tensions : il condamne « tout ce qui pourrait ressembler à une atteinte au libre exercice des cultes » et qui pourrait détourner les forces de progrès des réformes sociales promises au pays.

Le respect des consciences est la pierre angulaire de la laïcité... et de la démocratie. Et si l’on devait ne retenir qu’un seul mot pour qualifier Jaurès, ce serait le mot « humaniste. »

Fondateur de l’Humanité

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Premier éditorial de Jaurès dans l’Humanité

Humaniste, il l’est totalement quand il fonde son journal l’Humanité en 1904. Il dirigera ce quotidien jusqu’à sa mort, écrivant, chaque jour, un éditorial dont le premier, celui du 18 avril 1904 mérite d’être lu et relu. Pour lui, l’humanisme est un autre mot pour socialisme et pour démocratie. Ces trois mots sont indissociables et pour ainsi dire synonymes.

Le débat et la transformation sociale

Juste une citation qui montre bien que, pour lui, la transformation sociale ne peut se faire sans respecter les valeurs humanistes et démocratiques : « Ces grands changements sociaux qu’on nomme des révolutions ne peuvent pas ou ne peuvent plus être l’œuvre d’une minorité. Une minorité révolutionnaire, si intelligente, si énergique qu’elle soit, ne suffit pas, au moins dans les sociétés modernes, à accomplir la révolution. Il y faut le concours, l’adhésion de la majorité, de l’immense majorité. »

On dirait aujourd’hui qu’il est social démocrate, peut-être même social-libéral. Pour lui, le changement social ne peut qu’être progressif, ce qui implique d’être capable de reconnaître ses erreurs et de se confronter avec le réel, et avec les positions des autres.

Le doute contre le dogme

S’il menait un combat sans merci contre le dogmatisme clérical, ce n’est pas pour y substituer un autre dogme qui serait imposé par une police de la pensée : « la République n’est pas un dogme, » dit-il. Le doute méthodique reste pour lui – et pour nous aussi – l’exigence absolue pour lutter contre l’endoctrinement.

L’éducation, apprentissage de la liberté

Comment résister à l’endoctrinement sans l’éducation ? Jaurès a été bien sûr un farouche défenseur de l’instruction publique qui doit apporter aux individus l’autonomie intellectuelle et permettre l’émancipation collective des opprimés. Pourtant, les maîtres ne doivent pas être des propagandistes du socialisme au risque de « le gâcher en le réduisant à une contrefaçon de catéchisme où la liberté vraie de l’esprit n’aurait aucune part. » Il s’agit donc d’ouvrir les voies de l’esprit et d’entendre les voix de la conscience pour initier le citoyen à penser, penser sa vie et vivre sa pensée.

Le discours à la jeunesse

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Discours à la jeunesse, Albi 1903

Prononcé à Albi, le 30 juillet 1903, ce discours reste un texte crucial, et pas seulement pour la jeunesse, car Jaurès y parle aux jeunes (des petits sixièmes aux grands de terminale) comme à des adultes en faisant le pari de leur intelligence. Dans sa conclusion, il exprime sa conception du courage, qui n’est pas celui des guerriers, mais celui des humanistes. On retient souvent comme citation :  Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire.«  Allons un peu au-delà, jusqu’au bout de la phrase :  » Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques." Un beau programme, n’est-ce pas ?

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Jean Jaurès, un orateur passionné

Jaurès récupéré !?

Tentation commune de récupérer les grands hommes, quelquefois pour servir des causes qui l’auraient horrifié. Si on ne peut pas reprocher aux gens de gauche de se référer à Jaurés, il est surprenant d’entendre des ultra conservateurs tenter de s’approprier sa gloire. Par exemple, Pétain s’appuya sur le pacifisme de Jaurès pour faire accroire qu’il aurait été pour la collaboration. Et chacun trouvera facilement dans l’actualité récente des politiciens qui ont osé se réclamer de ses idées...

Publié le lundi 17 novembre 2014, par Paul Paboeuf.

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