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Après le Ciné café : La Sociale

29 septembre 2016, 09:20, par B. Paboeuf

Mardi 28 septembre, cinéma iris, La sociale  de Gilles Perret

Le film : La sociale

Le titre dit bien ce qu’il veut dire : une histoire de la création héroïque de la sécu à la sortie de la guerre, impulsée par le conseil national de la résistance .

Le titre La Sociale reprend le terme populaire. Il s’agit de dire le poids des communistes, et de la classe ouvrière par l’action de la CGT dans cette mise en place. Il s’agit de conserver la mémoire de cette aventure exceptionnelle, autour d’un personnage clé : Ambroise Croizat. Il s’agit de dire qu’un ouvrier pouvait être un héros. C’est bien de rappeler que « le peuple » a des visions et des capacités, que les gens de peu ne sont pas des gens de rien. C’est donc un peu une histoire de saint laïc : une histoire merveilleuse, un combat épique .

Le point de vue du film est assumé : c’est celui , commun bien sûr, du PC et de la CGT.

Si les autres intervenants sociologues Colette Bec , Frédéric Pierru , disent clairement qu’un autre personnage , Laroque, a été un acteur important (interview longue, nombreuses évocations de Laroque ), il n’appartient pas au cercle des saints. Jamais on n’entend qu’il était lui aussi un grand résistant, qui a suivi De Gaulle à Londres où il a connu la réflexion autour du rapport Beverige.

Un point de vue clair donc : hors Ambroise Croizat, point de sécu. Le film retrace les épisodes, les lieux de sa vie, de son combat autour de militants qui l’ont connu, des compagnons de route, un historien ami. Intéressant, chaleureux.

Le film fait des rappels toujours nécessaires : la justice, la solidarité et non la charité.

Les images d’archives, nombreuses, sont elles-mêmes riches et émouvantes. Bien utilisées dans le scénario pour faire effet : scènes de foule des grands moments historiques de 36 , de la Libération . L’émotion de ces moments intenses a évidemment un effet clair : elle transfère par glissement l’émotion de ces moments à celle de la création de la sécu.

Les obsèques de Croizat donnent des scènes impressionnantes avec une foule à la Hugo. Et on voit que le PC soignait rudement ses images, ses reportages : cadrages soignés, caméras sur les toits et vue plongeante sur la foule. Souci d’engranger pour la postérité ?
Pas grave et même tant mieux : cela fait partie de l’histoire.

Une histoire militante

Mais, ce n’est pas non plus une simple célébration d’un passé glorieux, c’est aussi une condamnation politique insidieuse et radicale en quelques plans (de quelques dizaines de secondes chacun) destinés à désigner les « bons et les méchants » d’hier et d’aujourd’hui, à droite, mais surtout à gauche . Et sans analyse.

Ex 1 : Martinez, secrétaire général de la CGT, bien cadré dans son bureau (qui ne fait pas trop riche bien sûr...) , avec sur le mur au dessus de lui, l’affiche de la figure christique de Che Guévara, qui a incarné tant d’espoirs. Martinez , épanoui, regarde à droite, vers l’avenir. Longue interview... Un peu plus loin, Laurent Berger de la CFDT, (10/11 secondes). Le regard de Berger est orienté vers la gauche, le passé, et on entend juste qu’il faut la préserver, cette sécu . Jean-Claude Mailly de FO est beaucoup mieux traité : discours proche de celui de la cgt, regard dans les yeux de la camera et/ou du spectateur, durée plus longue, connivence.

Les raccords de plan Martinez et FO se font agréablement (musique, petit temps pour être bien) . La séquence CFDT est plus sèchement intégrée au film.

La séquence de la visite au ministère : un bijou pour le projet. Il s’agit de visiter les lieux emblématiques de l’origine au ministère du travail qu’occupait Ambroise Croizat. Le ministre socialo, présent, qui visiblement ne sait pas ce qui se passe, se fait piéger : il paraît préoccupé par un autre sujet, et non, il ne connaît pas Croizat (en tout cas, pas dans sa mémoire immédiate)…

La caméra se déplace, rire sous cape de l’historien qui assure le fil conducteur du reportage : quelques secondes, certes, mais qui instaurent une complicité auteurs spectateurs : quel ignorant ce ministre socialo, assigné d’office dans le camp des « ennemis ». Là encore : la séquence est mal intégrée au film (impression désagréable : pouvoir du montage).

D’autres « ennemis » apparaissent dans les séquences à l’assemblée nationale. Quelques phrases sélectionnées « contre » la sécu, et immédiatement, un plan sur des députés hilares . Toute parole évoquant une réforme, une modification des choses est caricaturée et leurs auteurs disqualifiés…

Aucun point vu autre n’est examiné. Pas d’arguments .
Laissons là : on est dans La vie des saints… Il n’y a rien à dire.

Et maintenant, l’intervention de Bernard Friot , à l’Iris, après le film, le 27 septembre.

Bernard Friot, un des trois sociologues interviewés dans le film est présent, à sa demande (ou celle de ses amis de Réseau salariat) pour « accompagner le film. » Il commence par annoncer la couleur : sa conférence le lendemain à Muzillac, consacrée à son cheval de bataille, un salaire pour tous . (lieu, heures, coup à boire = un homme efficace). Ce qui n’a rien à voir avec le film.

Il enchaîne ensuite sur un discours brumeux, incompréhensible sur ses théories : pas grave, ça fait savant. M Friot est savant, il faut lui faire confiance.

D’emblée, il accapare, avec brio, le micro. Assène à plusieurs reprises que le « récit » officiel de la création de la sécu est fait par les dominants, et que seul A. Croizat (=la classe ouvrière=le peuple=le pc) ont fait la sécu, balayant ainsi d’un revers de manche les propos des autres .

Friot a travaillé sur l’histoire de cette création. Il sait que cela n’est pas arrivé tout seul. Il sait la complexité des choses (expérience Bismarck en Prusse au XIX, pas vraiment à gauche, il connaît la mise en place de la protection sociale en Angleterre) Il ne s’embarrasse pas de ces détails.

Friot fait des retours sur le saint, qui est mort à la tâche, épuisé, à 50 ans (ou environ). C’était quand même un cancer (du poumon je crois). Encore un raccourci gênant. (le raccourci paraît être un outil efficace de persuasion). Etc.

Que faire ?

Que faire ? Demander tout à l’heure le micro, pour protester contre cette captation : il se sert du film de G. Perret pour ses intérêts, n’hésitant pas à ignorer ce qui le dérange ?

Face à un tel orateur (prestance, maîtrise de la voix , de la respiration, de la salle où il est devant, avec le micro, en position dominante), que seraient mes petites phrases, ma petite voix d’asthmatique. Avec à la clé, une salle immédiatement contre , et la position de l’idiot.

Excédée : je suis sortie. Fâchée que Friot ait volé ce film somme toute sympathique à Gilles Perret (une partie en tout cas).

Que s’est il passé après ? D’autres ont peut être eu le courage que moi, je n’avais pas.

Je suppose qu’il a conclu en rappelant la réunion du lendemain soir, notant avec précision : lieu, heure, coup à boire... en homme efficace.

Deux liens pour ceux qui voudraient se faire une opinion sur les thèses de B. Friot

http://alternatives-economiques.fr/...

http://alternatives-economiques.fr/...

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