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Drôle de campagne ...

31 mai 2009, 20:31, par Témoins oculaires

Nous sommes étudiants à Lille et nous avons été témoins de ce qui suit....

Dans le cadre des élections européennes, L’UMP, en présence de Xavier Bertrand, Valérie Létard et Michel Barnier, organisait un meeting de campagne à Lille, centré sur les questions de l’immigration et de la non-intégration de la Turquie dans l’Union européenne, thèmes considérés par la direction du parti majoritaire comme les plus à même de mobiliser son électorat traditionnellement plus sensible à ces thématiques.

Ayant appris l’organisation de cet évènement en lisant la Voix du Nord de ce jeudi 28 mai, nous décidons de nous y rendre afin d’entendre les positions de l’un des partis qui présente des listes dans toutes les circonscriptions de ce scrutin. Il est en effet dans nos habitudes d’écumer les rencontres politiques qui se déroulent à Lille, et ce quelque soit la tendance politique des intervenants.

Le meeting est prévu à 19h30, c’est précisément l’heure à laquelle nous arrivons au « Grand Palais » salle de spectacles lilloise. A notre grande surprise, nous ne constatons la présence que de quelques visiteurs, se tenant légèrement à l’écart. Nous approchons de la trentaine de vigiles (pour la plupart assez impressionnants physiquement) qui assurent un premier filtrage à l’extérieur du bâtiment. Nous nous approchons sans crainte et ralentissons à leur approche. C’est alors que s’engage une première négociation :
- Vous avez vos invitations ?
- .. Non.
- Une carte de l’UMP ?
- Non. On vient en simples citoyens qui nous intéressons à la politique. Ce sera possible d’entrer quand même ?
- Oui 

Dans la foulée nous sont fournis deux sacs plastiques, dans lesquels il nous est aimablement demander de mettre nos clés, pièces de monnaie, téléphones portables... tout ce qui est susceptible de sonner sous le portique que nous devrons bientôt franchir.
Cette première étape passée, nous voici à l’intérieur du bâtiment, dans lequel nous n’apercevons pas l’ombre d’un militant, mais encore et toujours des vigiles. Nous déposons sur le côté les sacs plastiques pour passer le portique. Nous ne sonnons pas. Ne reste dès ors plus qu’à rejoindre la salle. Sauf que, à ce moment, un homme dont nous ignorons l’identité et la fonction nous demande de quelle circonscription nous venons. Nous pensons naïvement que la direction de l’UMP cherche à savoir si elle mobilise les électeurs les plus reculés géographiquement en opérant un tel recensement : cinquième circonscription du Nord pour l’un, quatrième pour l’autre.
- Et vous êtes à l’UMP ?
- Non.
- Alors ce ne sera pas possible de rester
- Pardon ?
- Il faut repartir
- Mais pourquoi ?
- C’est comme ça 

Nous protestons faiblement, avec des arguments farfelus du style « il nous semblait qu’en démocratie, quand un meeting politique présenté comme public est annoncé le matin-même dans le journal le plus lu de la région, il est ouvert à tous ». « Non, il faut partir messieurs ». Dans la mesure où l’homme qui nous raccompagne vers la sortie ne cesse de répéter « ces messieurs vont sortir » avec la manifeste intention d’attirer l’attention des molosses qui n’attendent que ça, mieux vaut ne pas contrarier notre accompagnateur.

Nous revoici donc au point de départ, et nous nous rendons compte que la vingtaine de personnes que nous avions aperçues en arrivant se trouvent dans la même situation que nous.
Nous nous émouvons, en compagnie d’une jeune femme rencontrée sur les lieux, de la situation auprès d’une journaliste de la Voix du Nord qui se trouve à nos côtés et lui laissons nos coordonnées (sous l’oeil attentif et les oreilles tendues d’un vigile...). Elle s’étonne de notre récit et nous indique qu’il n’est pas prévu qu’elle traite le meeting sous cet angle, mais qu’elle le transmettra à ses collègues à l’intérieur de la salle. Nous prévenons la station locale de France 3 qui nous tient à peu près la même langage.

En fin de soirée, nous n’avons pas été rappelés.

Après un tel épisode, plusieurs questions nous viennent à l’esprit : comment un parti qui prétend lutter contre l’abstention record annoncée peut-il justifier qu’il ferme au plus grand nombre ce qui représente la forme par excellence du débat public inhérent à l’existence de la démocratie ? Par quelle conception de la démocratie n’accepte t-on dans ses meetings que ceux qui partagent son avis ? Pourquoi faire la publicité publique d’un événement privé ? Que s’est-il dit dans la salle qui justifie à ce point le secret ?
Nous pouvons comprendre aisément que des contrôles ait lieu. Mais les « personnalités » présentes justifient-elles tant de méfiance envers ceux qui, comme ils ne sont pas partisans, seraient forcément adversaires ? Quand on refuse à ce point la présence de ce qui n’est pas conforme, qu’on rejette la différence sans explication, à quoi s’expose t-on ? N’est-ce pas le gouvernement qui déplore la « radicalisation » des manifestations hostiles à chaque déplacement du président de la République, dans les universités, dans les usines ? On s’étonne des réactions que l’on provoque par une attitude fermée à tout dialogue, selon une conception qui considère que le suffrage universel lègue les pleins pouvoirs à celui qui en sort vainqueur. Quand les rencontres et dialogues deviennent impossibles par des voies « normales », comment être entendu ?

C’est la première fois que nous sommes refoulés à l’entrée d’une manifestation politique. Nous avons écouté Olivier Besancenot, Arlette Laguiller, Dominique Voynet, Ségolène Royal, François Bayrou, Philippe De Villiers en 2007, d’accord ou pas avec eux, mais toujours dans une ambiance cordiale et souvent chaleureuse.

Puis nous nous sommes rappelés que nous étions également allés voir Nicolas Sarkozy juste avant son élection, à Lille. Ce meeting nous avait frappés par son ambiance policière (fouilles à l’entrée, passage sous un portique, présence de chiens). Et finalement, aujourd’hui, quand nous observons les dernières péripéties de la vie politique française, avec le contrôle et le fichage incessants des individus (empreintes ADN pour la moindre garde à vue, projet de portiques dans les écoles, fouille des cartables, développement des caméras de surveillance...), nous avions, dans ces circonstances, d’excellentes raisons de deviner ce que serait « la France d’après », slogan du candidat de l’époque.

Au delà des discours, certaines pratiques valent bien plus qu’un programme électoral.

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