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Un été européen

La lettre de Bernard Poignant, député européen

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Bernard Poignant commente quelques événements de l’été du point de vue d’un européen convaincu.

Voir en ligne : Le site de Bernard Poignant

Une bonne nouvelle juste mentionnée, à peine commentée : l’Armée Républicaine
Irlandaise a décidé de déposer les armes. C’est une victoire pour Tony Blair, une de plus.
C’est le fruit d’une pression américaine intense. C’est aussi l’effet sur le long terme de l’ancrage
européen et du développement de l’Irlande ces trente dernières années.

Cette décision illustre un immense acquis de l’Union Européenne : la fin des modifications
de frontières et de toute revendication territoriale sur notre continent. Les frontières sont
des cicatrices de l’histoire et leur dessin dépend des guerres et des traités anciens. Elles
auraient pu avoir d’autres tracés, c’est évident. La Sarre aurait pu être française, Nice italienne
et Perpignan se trouver en Catalogne.Tout atlas historique propose plusieurs pages
de cartes pour présenter l’Europe à chaque siècle. Depuis 1945, et surtout les traités qui
ont façonné l’Union Européenne, c’est fini. Chacun doit prendre acte des limites fixées.
Basques, Corses et même quelques Bretons devraient se faire à l’idée, comme les
Flamands et les Wallons : tout le monde doit vivre ensemble à l’intérieur des Etats existants
et nous retrouver comme citoyens européens.

Les seules modifications de frontières sont venues de l’Est : l’Allemagne réunifiée a fait disparaître
la RDA ; Tchéquie et Slovaquie ont divorcé à l’amiable ; la Fédération Yougoslave a éclaté
par la guerre et il a fallu le concours des Américains pour arrêter les frontières.On doit s’en tenir
là : toute idée de Grande Hongrie, de Grande Roumanie, de Grande Serbie, de Grande Albanie
doit être combattue. C’est du nationalisme en germe et il conduit au réveil des armes.
La Turquie devrait s’inspirer de cet état d’esprit européen. Elle s’obstine à ne pas reconnaître
Chypre et à en occuper la moitié Nord au mépris de la résolution de l’ONU. Adhésion
ou pas, elle devra un jour retirer ses soldats. Il serait incompréhensible que des négociations
en vue d’une éventuelle adhésion s’engagent le 3 octobre prochain avec un pays qui
occupe un membre de notre Union. On attend de l’Europe qu’elle soit généreuse, certainement
pas faible à ce point.

Cet été, le « patriotisme économique » a été un temps à la mode. Le sort du plombier polonais ayant
été réglé le 29 mai,ce fut tout de suite « sus aux Anglais ». Ils en veulent à nos paysans,on mange mal
chez eux, ils nous ont apporté la vache folle, ils nous ont volé les JO sans doute en trichant puisque
nous étions les meilleurs. Mettre l’Anglais à la place du Polonais a été la première leçon tirée du référendum
par le Président et le Gouvernement : pas de quoi mettre l’électeur socialiste à l’aise.
Et puis, il y a eu Danone, menacé par Pepsi-Cola, nos bons yaourts au lait de vache aux mains de cet
infâme breuvage anglo-saxon. Tout y était pour réveiller la fibre patriotique qui sommeille. Oublié le
plan social de LU pendant la campagne de 2002.Finalement,on n’est pas rancunier.C’est déjà un groupe
mondial, largement détenu par des capitaux étrangers. Là non plus on n’est pas très regardant !

Surtout, le « patriotisme économique » fait silence quand on se sert dans le jardin des autres. La
Société Générale rachète le leader russe du crédit immobilier « Delta Crédit » : très bien. EDF récupère
les parts d’un financier romain pour contrôler le deuxième groupe italien d’énergie, Edison :
parfait. France Telecom rachète l’espagnol Amena : formidable. Saint Gobain lance une OPA hostile
sur le britannique British Plaster Board, la maison mère du placoplâtre : bravo.Total lance une
OPA amicale sur le canadien Deer Creek Energy, spécialiste des huiles extra lourdes : rien à dire.
Pernod Ricard achète son concurrent britannique Allied Domecq : beau succès. Le groupe Lafarge
fusionne avec la société chinoise SOCAM pour en prendre le contrôle : c’est tout naturel. Suez
rachète totalement sa filiale d’énergie belge Electrabel : pas de commentaire sauf chez les Belges
un peu choqués. Comme ils se sont emparés du Crazy Horse Saloon, ils méritaient bien cela !
Cette liste n’est évidemment pas limitative : c’est un résumé de l’été. Mais Français en général,
Socialistes en particulier, il nous faudra un maximum de cohérence et un minimum de schizophrénie.
Si on veut garder nos monopoles, il ne faut pas profiter de la concurrence chez les autres. Si on
ne veut pas que nos entreprises soient achetées, il ne faut pas aller s’emparer de celles des voisins.

Il y a au moins un sujet où l’on peut décider tout seul : les trains Corail de la SNCF. La Société
nationale veut en réduire le nombre sur certaines lignes car cela lui coûte de l’argent. La
Commission européenne ne demande rien, la SNCF est une entreprise totalement publique,
l’ouverture à la concurrence du trafic national de passagers n’est pas décidée. Voilà un bon exemple
de débat sur les services publics. Si la SNCF avait fait son annonce avant le référendum, on peut
parier que la Constitution européenne aurait été rendue responsable de la diminution des trains
sur Caen/Tours, Nantes/Lyon et Quimper/Toulouse. Cette accusation lui aura été épargnée.

Toute cette actualité donne matière à discussion pour un
automne socialiste autour d’un Congrès
au Mans. « Parler vrai, plus près des faits » disait Michel Rocard. « Faire ce que l’on dit, dire ce que
l’on fait » a dit Lionel Jospin. « Parler au gouvernement comme dans l’opposition et dans l’opposition
comme au gouvernement » selon François Hollande. « Aller à l’idéal et comprendre le réel » a
écrit Jean Jaurès. Nos débats ont un mérite : nous ne sommes jamais dépaysés pour les mener.

Publié le dimanche 18 septembre 2005.

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