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Paysans d’Europe

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La Politique Agricole Commune est née en 1962. Elle a eu un père français : Edgar Pisani. Longtemps, elle fut la politique prioritaire de l’Union. Elle a consommé au début près de 90% du budget européen. Aujourd’hui, sa part est tombée à 43%. Elle a été le résultat d’un accord franco-allemand issu du traité de Rome : la France démantelait ses barrières douanières et laissait pénétrer chez elle les produits industriels allemands. L’Allemagne acceptait de payer la modernisation de l’agriculture française. Celle-ci compte encore de très nombreux paysans. Il faut leur assurer un revenu équitable, les encourager à produire pour nourrir la population et garantir l’autosuffisance alimentaire de l’Europe des Six. De là est née la préférence communautaire qui a permis de distribuer des subventions pour les exportations pour se mettre au niveau des cours mondiaux et de prélever des droits de douane pour mettre les produits importés à égalité avec les nôtres.

Voir en ligne : Le site de Bernard POIGNANT, député européen

Ce système a été efficace. Les agriculteurs ont produit au maximum, sûrs de bénéficier d’aides publiques, surtout pour les céréales, la viande bovine et le lait, beaucoup moins cependant pour les fruits et légumes, les volailles et le porc. Jusqu’au jour où la production est devenue surproduction. Les Européens ont alors entendu parlé de montagnes de beurre, de lait en surplus, de silos gorgés de céréales.

Sont arrivés les premiers coups de frein. En 1984, sont mis en place les quotas laitiers, les agriculteurs étant financièrement incités à baisser la production. En 1992, la mise en jachère des terres est aussi encouragée. Les prix garantis commencent à diminuer. Des aides directes au revenu sont accordées. La dernière réforme intervient en 2003 et complète ce qui a été engagé en 1992 : on peut toucher des primes sans produire.

Une vraie révolution dans la culture paysanne. Toucher de l’argent sans qu’il soit le fruit d’un travail est à leurs yeux une incongruité, voire une humiliation. C’était pourtant nécessaire pour défendre le métier lui-même. C’est ce qu’on appelle le découplage.

A cela s’ajoutent deux considérations nouvelles. L’environnement d’abord : désormais les aides publiques sont soumises au respect de certaines normes, comme la sécurité alimentaire ou le bien être des animaux. La mondialisation ensuite avec l’intégration de l’agriculture dans les négociations commerciales internationales à l’Organisation Mondiale du Commerce. Plusieurs pays dont les Etats Unis, le Brésil, l’Australie font pression pour faire tomber les protections dont bénéficient les agriculteurs européens. A quoi bon subventionner l’agriculture si on peut importer des produits alimentaires moins chers ? Les Britanniques défendent facilement ce point de vue. Mais l’activité agricole n’est pas une activité comme les autres. Il est normal qu’un pays ou groupe de pays cherchent à assurer leur indépendance alimentaire. En retour, ils doivent admettre que chaque pays ou groupe de pays a le droit à la même exigence, notamment les Etats les plus pauvres. On ne peut pas exiger pour nous et refuser pour les autres.

Arrive 2008 : c’est le prochain rendez-vous avec la Politique Agricole Commune. La Commission vient de le préparer en présentant le « bilan de santé » de cette politique. Les données sont en effet nouvelles : la forte croissance démographique du monde qui nous rappelle que les agriculteurs sont là pour nourrir les hommes ; le changement climatique et ses conséquences sur la recherche de nouvelles énergies, dont les bio-carburants ; la flambée des prix alimentaires mondiaux ; l’adaptation à une Europe à 27 d’un système conçu pour une Europe à 6 ; les effets néfastes sur l’eau et les sols d’un productivisme outrancier.

Plafonnement des aides, fin des quotas laitiers, réduction de l’intervention sur les céréales, préservation de la bio-diversité, voilà ce qui sera en débat pendant six mois. Des propositions seront faites en mai 2008, avec adoption par le Conseil des Ministres à la fin de cette année, sous présidence française.

Dans les réactions à ce bilan de santé, il y a un paradoxe. Le syndicalisme agricole majoritaire en France a déclaré que la Commission européenne « veut livrer l’agriculture au libre marché ». C’est amusant de l’entendre dans la bouche de ceux qui critiquent tant l’intervention de l’Etat. Mais je lui donne raison : il ne faut pas abandonner les outils de régulation, ils peuvent demain être utiles.

Un souvenir est bon à rappeler : au Conseil des Ministres Européens de l’Agriculture en 1981, Edith Cresson, propose que les aides soient plafonnées jusqu’à un certain niveau de production. Au-delà, le marché déciderait du prix. C’était raisonnable pour éviter la surproduction et équitable pour ne pas favoriser les gros producteurs. On appelait cela la politique des « quantums ». Horreur suprême ! Isolée, Edith Cresson a dû remiser sa proposition et subir les foudres du syndicalisme majoritaire.

Un autre Ministre de l’Agriculture aide à tirer les leçons de cette histoire. « C’est un grand tort d’avoir raison trop tôt ». Signé : Edgar Faure !

Publié le jeudi 10 janvier 2008, par Bernard Poignant.

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