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Lettre à un ami UMP laïque

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Suivant certains de tes compagnons, la laïcité serait en danger. Selon la Constitution, la République n’est pas un régime où chacun vient pour mettre en avant sa confession mais c’est un lieu où les citoyens sont à égalité de droits et de devoirs, et parmi ces droits, mais aussi ces devoirs, il y a la laïcité. Or le premier de tes compagnons a affirmé son goût pour la coexistence des communautés dans un livre publié il y a quelques années. Les communautés avant la citoyenneté ! Déjà une société à l’américaine ! Il est intimement persuadé que le seul mode de fonctionnement de la société, c’est le communautarisme, moyen de détourner les hommes de leur condition de vie difficile. Or notre République ne peut pas reconnaître une autre communauté que la communauté nationale. Plus la société française devient diverse, plus le principe unificateur de la laïcité doit être respecté. Comme je conçois que la laïcité n’est pas un concept statique, figé et clos, qu’elle est au contraire un concept dynamique, ouvert aux courants de pensée les plus divers, je t’invite au débat mais sans arrière pensée électoraliste.

La doctrine de laïcité a été le fruit d’un long cheminement de sécularisation

A l’origine, la religion domine les hommes ; elle ne donne pas seulement un sens à leur vie et à leur mort :

Or, au cours des siècles, des éléments de plus en plus nombreux de la vie et de la conscience humaine ont été soustraits à l’autorité religieuse. Au point que le rapport de subordination qui s’était établi entre le catholicisme et le pouvoir politique s’est inversé. Ainsi, dans les arts, les motifs religieux cèdent peu à peu le terrain aux représentations profanes. La philosophie, modestement, conquiert son indépendance face à la théologie.

Dans la très catholique France, les Rois s’affranchirent d’abord de la tutelle pontificale puis essayèrent de soumettre la hiérarchie ecclésiastique. En affirmant leur autonomie ils n’entendaient nullement détruire l’Eglise. Ils exprimaient ainsi une timide forme de laïcisation du pouvoir politique.

Plus tard, la Réforme fut une étape décisive de la sécularisation. Le protestantisme cassait l’homogénéité des sociétés chrétiennes. Chose tout à fait nouvelle, il préconisait pour les fidèles le libre examen.

Les princes et les érudits continuaient à penser à sa nécessité spirituelle et à son utilité morale. Pour Voltaire, « écraser l’infâme »n’appartenait qu’aux esprits supérieurs. La religion restait bonne pour le peuple en corrigeant ses mauvais instincts. Cette force de contrôle social devait rester aux mains des puissants et de l’Etat.

L’Assemblée de 1789, si elle accentue la sécularisation en nationalisant les biens de clergé, en faisant des prêtres des fonctionnaires, maintient le rapport de subordination entre l’Etat et l’Eglise, à l’avantage du premier bien entendu.

De principe la laïcité devient loi

Au 19ème siècle, d’une part les fondateurs de la laïcité étaient pénétrés de la philosophie d’Auguste Comte : l’observation doit se substituer à l’imaginaire ; d’autre part, dés 1864, Pie IX avait condamné le monde moderne coupable d’avoir remplacé Dieu par l’homme, coupable de séparer le social du religieux et le religieux du politique.

Enfin, la laïcité ne pouvait être qu’un combat. L’école en devint le premier enjeu et la lutte contre les congrégations fut un épisode accessoire. Les ouvriers de la laïcité n’étaient pas forcément des athées purs et durs. C’est le cléricalisme qui était dénoncé par eux, c’est à dire la mainmise de la religion sur les institutions et sur les consciences.

La Loi de 1905

La laïcité a été fondée en France dans une période d’optimisme, avant la 1ère guerre mondiale ; cependant le siècle qui vient de se terminer n’a nullement répondu aux attentes des prophètes de la raison. Elle fut tout au long du siècle une aventure spirituelle au plein sens du terme : on naît gardon ou fille mais on ne naît pas laïque !
Pour le laïque que je suis, la laïcité est une certaine idée de l’homme, de sa plénitude, de sa dignité. Le respect de la personne doit primer sur ses convictions.

Un tel idéal ne fonctionne pas sans peine, il faut y mettre un peu de philosophie, de l’humanisme, de la générosité et beaucoup d’ardeur et de distance à soi.

L’idéal laïque est donc ambitieux. C’est ce qui fait sa grandeur, mais aussi sa fragilité car il n’est guère aisé de se délier de ses sentiments privés pour faire advenir un monde commun à tous les hommes ! Pas facile de transcender nos différences, non pour les nier mais pour les vivre en les relativisant.

Par sa constitution notre République est indivisible, laïque, démocratique et sociale, elle n’est pas fille de l’individualisme crispé et du faire-valoir narcissique que trop souvent on veut lui imposer. Si elle ne reconnaît aucun culte, elle n’en méconnaît aucun. Elle n’est pas plus solidaire de l’athéisme que de toute autre confession.

Puisque tu souhaites débattre, débattons dans la sérénité.

Cher ami, il te faut d’abord rompre avec le règne de l’immédiat et la manie du sondage pré-électoral. Renforcer l’échange et la concorde plutôt qu’organiser la division. Faire vivre ensemble, plutôt que de faire coexister. C’est cela l’humanisme laïque, sa philosophie première, son éthique. C’est pour la défense de cet idéal, contre l’obscurantisme, que j’ai donné mon suffrage à Jacques Chirac en 2002.

’ai été inquiet quand j’ai entendu, comme toi, de bons esprits sembler vouloir remiser cet idéal.

Alors oui, ouvrons le débat sereinement en respectant d’abord la neutralité de principe qui régit l’idéal laïque, en favorisant l’inclusion plutôt que l’exclusion

Amitiés laïques.

Publié le samedi 2 avril 2011, par Claude Gentil.

Messages

  • On présente souvent la laïcité comme une exception française, devenue principe constitutionnel dès 1946.

    La laïcité il est vrai, est le fruit de la longue histoire de la France et d’une évolution qui a permis d’affirmer progressivement l’autonomie de la raison.

    Elle est le résultat de longs efforts des citoyens pour se dégager de la tutelle ecclésiastique.

    La Laïcité n’est pas un dogme mais une attitude qui considère la religion comme une affaire individuelle et privée.

    En clair, une société laïque est une collectivité de citoyens libres et égaux en droits.
    Le meilleur antidote contre les dangers de l’intégrisme, du racisme, de l’antisémitisme et du sexisme se trouve dans la laïcité .

    Il est regrettable que certains en fassent un objectif politique discriminant.

    Le combat pour la laïcité commence sur le terrain social par un véritable engagement pour l’intégration, comme les ghettos et surtout, contre toutes les discriminations qu’elles soient raciales, territoriales, professionnelles ou sexistes.

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