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Les terres agricoles, enjeu du XXIème siècle

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Combien valent les terres agricoles ? Si vous suivez un peu l’actualité locale, vous avez une idée assez générale, et vous connaissez quelques exemples des cas extrêmes dus à une concurrence féroce entre deux ou trois exploitants avides de s’agrandir. Et vous avez sans doute entendu parler de acquisitions chinoises dans la région Centre. Mais c’est aussi un enjeu mondial.

Les Chinois achètent des terres en Région Centre

La presse a largement relaté les acquisitions chinoises dans l’Indre. Au point que les instances agricoles s’en sont émues. En effet, la loi donne le droit de préemption sur les ventes de terres agricoles aux SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural), organismes rattachés au ministère de l’agriculture et censés protéger les politiques publiques agricoles - comme par exemple la préservation du « modèle agricole familial ». Mais les acquéreurs ont exploité une faille dans la législation : les cessions sous forme de parts de sociétés échappent au contrôle. Il suffit donc de racheter la majorité des parts de sociétés civiles agricoles (SCA) et le tour est joué. Une SCA a même été constituée par un agriculteur fin 2015 juste pour permettre l’opération.

Une proposition de loi a été présentée par le député PS de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, pour permettre au SAFER de contrôler les transactions sur les parts de SCA. La proposition a pour finir été intégrée dans la Loi Sapin-2 (transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique) mais cette partie a été censurée par le Conseil Constitutionnel comme « cavalier législatif ».

Nouvelle proposition législative

L’objectif - préserver les terres agricoles de la spéculation - est largement partagé. Et les parlementaires se sont saisis à nouveau du sujet par la proposition de loi présentée par Olivier Faure et signée par Paul Molac. Paul Molac est d’ailleurs intervenu en commission économique : « On se rappelle de l’affaire de l’achat en masse de terres agricoles sur notre territoire par des fonds d’investissements chinois, pour laquelle j’avais posé une question orale au ministre Stéphane Le Foll le 11 mai dernier. Cette pratique questionne les procédures de contrôle de l’acquisition du foncier agricole dans le pays. Je rappelais qu’il est important que les pouvoirs publics et les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), puissent disposer des outils de régulation nécessaires au maintien de la souveraineté des paysans sur leur terre. »

L’intervention de Paul Molac devant la Commission de l’Assemblée Nationale

Combien valent les terres agricoles ?

Il est assez facile, même pour un non-spécialiste, de se faire une idée du prix « raisonnable » des terres agricoles. Et on constate que ce sont des prix relativement stables. Le site Service-public.fr apporte toutes les informations désirées et renvoie vers Agreste, pour des pages spécialisées en statistiques agricoles qui donnent aussi bien le prix moyen en 2015 que les prix par département.

La grande stabilité des prix - qui ne baissent quasiment nulle part - conduit des investisseurs à se porter acquéreur de terres agricoles pour diversifier leur portefeuille avec des placements à long terme qui rapportent assez peu... mais qui ne comportent aucun risque ! D’ailleurs le site Le Particulier donne également des informations sur le prix des terres agricoles : un placement presque comme un autre !

Un enjeu mondial

Mais c’est au niveau mondial que se déroule une lutte acharnée pour s’approprier les terres cultivables, comme vous le verrez dans un chapitre du livre de Virginie Raisson 2033, Atlas des futurs du monde. Ed Robert Laffont, 2010.

Une idée de l’ouvrage dans cette vidéo

Le chapitre intitulé « Le grand monopoly des terres arables » s’insère dans la 2ème partie du livre Une Planète trop peuplée ? qui aborde les questions de l’agriculture et de l’alimentation, de l’eau, et, pour finir, de la surpopulation. L’auteur rappelle que « la quête de la terre est une dynamique continue, souvent violente, et très ancienne. Loin de diminuer avec la croissance des échanges agricoles, le processus s’est ajusté aux lois du marché et pourrait même connaître un nouvel essor dans les prochaines décennies. »

La sécurité alimentaire est la première cause de la concurrence féroce pour acquérir des terres cultivées ou susceptibles de le devenir ; de plus, cela leur permet de baisser les coûts intermédiaires et de réduire de 20 à 25 % la facture de leurs importations alimentaires. Mais il ne faut pas négliger la recherche de placements juteux par les fonds spéculatifs : ils feront du gras sur les menaces qui pèsent sur les ressources agricoles (changements climatiques, dégradation des sols, baisse des ressources en eau). Les pays vendeurs y voient aussi un moyen de trouver des recettes à court terme et aussi parfois des appuis techniques pour le développement des infrastructures. Cet Atlas des futurs du monde est un ouvrage de prospective et l’auteur nous annonce comme assez probable un accroissement de ces transactions foncières avec des risques forts de troubles sociaux. Il s’en est déjà produit à Madagascar où les paysans se sont révoltés contre le projet de location de terres arables aux Coréens de Daewoo.

Publié le jeudi 12 janvier 2017, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

V. Raisson vient de publier une nouvelle version de son Atlas. Passionnant aussi. On en reparlera.

Messages

  • En effet, il est urgent de sensibiliser l’opinion publique et le monde agricole sur cette nouvelle forme de spoliation convoité par des investisseurs étrangers.
    L’accaparement de terres roumaines depuis les années 2010 en est un triste exemple , et le phénomène s’accélère .Des dizaines d’intermédiaires sillonnent la campagne pour le compte de sociétés agroalimentaires pour acheter les meilleures terres subventionnées par les aides européennes. C’est ainsi que l’agriculture de subsistance disparaît au profit de l’exportation. et les associations qui défendent les petits producteurs ont du mal à se faire entendre.
    Un peu partout ces nouveaux prédateurs sont l’oeuvre ( afrique, Madagascar, Ethiopie) et j’en passe

    Répondre à ce message

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