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Les impôts, la pauvreté, et quelques idées reçues

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D’entendre un politicien de seconde zone expliquer que Hollande n’avait plus aucune légitimité et que les Français étaient exaspérés par le matraquage fiscal, j’ai eu envie de remettre quelques pendules à l’heure. Deux secondes de réflexion et quelques lectures montrent rapidement que la charge des impôts nouveaux porte principalement sur les catégories aisées, que Sarkozy avait gavées de cadeaux ; pas étonnant qu’aujourd’hui ces privilégiés protestent et cherchent à entraîner dans leur camp l’immense majorité des Français qui vont bénéficier des réformes engagées. Pire encore, ils désignent comme boucs émissaires les plus pauvres, vous savez, ceux qui « profitent » du RSA et de la CMU.

Voir en ligne : Le site d’ATD Quart-Monde

Un pays en faillite ? Ils ont creusé la dette

Un pays en faillite, c’est Fillon qui le disait, mais cela ne l’a pas empêché, avec Sarkozy, de creuser la dette. Dans une interview au Point (à lire ici) du printemps dernier, l’ancien Ministre de l’Économie et des Finances, Thierry Breton faisait le calcul : « De 1981 à 1995, par exemple, la France a accumulé, sous les deux septennats de François Mitterrand, 555 milliards de dette, dont 150 imputables à la deuxième cohabitation avec Édouard Balladur. Sous le précédent quinquennat, ce sont 600 milliards d’euros de dette qui auront été ajoutés, dont 200 imputables à la crise, selon la Cour des comptes. En matière de legs d’endettement public, les présidences Mitterrand et Sarkozy ont donc des bilans comparables. Sur dix ans pour la première, sur cinq ans pour la seconde. » Thierry Breton impute les dérapages majeurs à Edouard Balladur, en deux ans à Matignon (93-95), et surtout à Nicolas Sarkozy : ministre du budget sous Balladur, puis ministre des Finances et président de la République, il a fait exploser la dette publique de 830 milliards d’euros.

Et ils ont baissé les impôts des plus aisés

Faut-il rappeler que la présidence de Sarkozy a commencé avec la fameux  « paquet fiscal » : 15 milliards de manque à gagner pour les finances publiques. Ce paquet cadeau a principalement bénéficié aux plus aisés : réduction de l’impôt sur le revenu (avec le coup de pied en vache de la non-indexation des tranches !), quasi-suppression de l’impôt sur la fortune, droits de succession divisés par deux (une miette pour les petites successions, le pactole pour les plus grosses !). Personne ne regrettera la Taxe Professionnelle, « impôt imbécile », mais sa suppression s’est traduite par une perte de recettes publiques de 6 milliards d’euros par an. Une vidéo pour se souvenir ici.

Encourager les jacqueries fiscales

Pour redresser le pays après des années de gestion à vau-l’eau, deux actions sont nécessaires : maîtriser les dépenses et retrouver des recettes. Le gouvernement fait les deux : 15 milliards de dépenses en moins au budget 2014, mais aussi, c’est vrai, des augmentations d’impôts plutôt pour les plus aisés. L’opposition dit non à tout ! Elle dit qu’il faut aller plus loin dans la réduction des dépenses publiques, tout en réclamant plus de services, plus d’investissements, etc... Et surtout, elle soutient toutes les jacqueries fiscales ! Premier exemple, le plus criant : elle avait fait voter en son temps l’écotaxe, on l’a vue en première ligne pour démolir les portiques ! Et que dire ces jours-ci des manifestations des céréaliers, engraissés de subventions européennes, qui crient au charron qu’on va les ruiner ? Le Figaro dressait un tableau éloquent de cette agriculture de luxe : en Ile de France, le revenu moyen par exploitation de 97800 euros en 2012, en Champagne-Ardenne, 67000 €, en Picardie 73000 € et 70000 € en région Centre. La moyenne en France est de 38300 €, elle est encore inférieure en Bretagne (37900€). A lire ici.

Contre le principe même de l’impôt

La droite, sur ce sujet, adopte une attitude démagogique et irresponsable, sauf à renoncer définitivement à toute politique publique, en sapant le principe même de l’impôt qui n’est jamais autre chose que le prix collectif payé pour des services collectifs. Au congrès des maires, le président de la Fédération Nationale des Travaux Publics rappelait que l’Ecotaxe devait apporter 800 millions d’euros par an pour la construction des infrastructures de transport. Où trouver les ressources pour financer ces constructions nécessaires ? C’est tellement facile de crier au matraquage fiscal, tout en réclamant plus d’aides publiques, comme on l’a entendu dans les manifestations de Quimper.

Ce qu’ils appellent la France des assistés

S’il faut donc distribuer généreusement des subventions ou encore diminuer les « charges qui accablent les entrepreneurs », il faut cependant réduire les dépenses. Et là, ils ont des économies toutes trouvées : arrêter d’entretenir les assistés ! C’est une « rengaine libérale fétide », dit l’économiste Christophe Rameaux.

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La fabrique des assistés, couverture du Point

Laurent Wauquiez, alors ministre des affaires européennes, en a fait le fonds de commerce de sa Droite sociale : « Les dérives de l’assistanat sont le cancer de la société française », disait-il en 2011. Et sur internet circulent des tableaux de chiffres qui prétendent montrer qu’on gagnerait plus en grappillant des aides qu’en travaillant au SMIC. Sans oublier les unes racoleuses comme celle du Point, édition du 24 octobre : Les assistés, comment la France les fabrique.

Pour couper court aux rumeurs infondées, ATD Quart monde vient de publier un ouvrage  En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté qui reprend et contredit plus de 80 idées fausses sur ce thème des « assistés fraudeurs et profiteurs. » Un petit livre très éclairant qu’on peut se procurer pour la modique somme de 5 €.

Le journal, plutôt libéral, La Tribune en a sélectionné cinq parmi les plus communs.

Cinq préjugés faciles à démonter, si l’on accepte de s’adresser à l’intelligence de ses concitoyens, au lieu d’attiser les passions haineuses.

Publié le dimanche 24 novembre 2013, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

« En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté », ATD Quart Monde, août 2013, aux Editions de l’Atelier, 188 pages, 5 euros.

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