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Super U, retour sur un débat

9 janvier 2013, 10:50, par Henri Guibaud, Roselyne Péron , Francis Roy

Super U, retour sur un débat

A Monsieur le Maire,

La CDAC a donc refusé le projet d’implantation d’un Super U à Questembert.

Citoyens non élus du Comité Agenda 21 de la Commune, nous souhaitons, nous aussi, un retour sur le débat qui a précédé … et qui suit cette décision :
Nous n’évoquerons pas tous les propos que vous reprenez ou prêtez à l’ensemble des opposants au projet. Il nous suffit de faire référence aux positions que nous avons toujours soutenues
Notre propos n’est pas politique, il n’est pas de nous opposer, il est de pointer des incohérences, de relever une argumentation qui sur de nombreux points nous paraît fragile ou peu crédible, ... et de proposer des alternatives. En cela, il nous suffit de faire référence aux positions que nous avons toujours soutenues.

Dans la:ligne de votre programme électoral des dernières élections municipales, vous avez mis en avant une volonté de promouvoir sur le territoire de la Commune les axes d’un développement soutenable, c’est à dire permettant de concilier économique, social et environnemental...
Vous avez, dans ce sens, créé un poste d’adjoint « chargé du développement durable ».
Vous avez reconduit un « comité agenda 21 » composé d’élus et de non-élus qui, opportunément, compte tenu de sa mission même, a travaillé sur la cohérence entre des projets d’action à mener sur le territoire et la logique du développement durable.
Vous avez, à l’unanimité, adopté en Conseil Municipal un Agenda 21 qui s’est fixé un programme d’actions à mener en vue de tenter de concilier précisément les trois axes du DD
Vous vous flattez, à l’occasion, de tout cela, et pour tout cela, nous vous avons soutenu … aussi longtemps que vos options nous ont semblé en « cohérence » !

Très logiquement le Comité A 21 a souhaité mener une réflexion sur la « cohérence » entre le projet d’implantation d’un nouveau supermarché sur le territoire … et le DD.
Il a essayé d’organiser sur cette question un vrai débat notamment en préparant un document énumérant un certain nombre d’arguments pour et contre devant permettre aux citoyens de Questembert de se faire une opinion éclairée.
Il nous semble que vous auriez pu, en préalable à la délibération du Conseil, soit donner la parole à l’un des porte-paroles du comité A 21, soit, dans vos propos ou ceux du porte-parole de la Communauté de Communes, prendre en charge les arguments pour et contre, donnant ainsi quelque utilité au travail de ce comité, et quelque justificatif à la concertation...
Au lieu de quoi vous avez - et continuez de le faire - mis en avant exclusivement les arguments qui soutiennent votre thèse, thèse qui privilégie une démarche de développement à court terme bien peu cohérente avec les engagements de votre mandature rappelés plus haut et repris dans le programme Agenda 21.
Faute d’avoir pris en compte vous-mêmes les contre-arguments à la position unilatérale que vous avez développée, permettez-nous de saisir cette tribune pour en formuler quelques uns...

Le refus du projet en CDAC, dites-vous : « un mauvais coup pour les consommateurs, pour l’emploi, pour le développement de Questembert et pour le commerce existant ».
Ce n’est pas nous qui vous reprocherons de vous préoccuper du pouvoir d’achat des consommateurs, de l’emploi, du développement de Questembert...
Encore faut-il préciser l’angle d’intervention que vous retenez dans la mise en œuvre de ces objectifs. Encore peut-on se demander si les moyens que vous privilégiez : le soutien à un projet commercial, qui plus est à un projet – pas neutre du tout – porté par une enseigne de Grande Distribution, plus encore en prenant à partie les autres acteurs du commerce local... relèvent bien d’un positionnement indiscutable.
Vous aimez bien citer dans vos propos les points de vue qui étayent le vôtre. En voici un autre que nous entendons aussi : « Mais qu’est-ce qu’il a le Maire à s’engager autant pour soutenir ce Super U... et la Grande Distribution,... comme avant pour Leclerc ! ..Il y a bien assez de magasins comme çà à Questembert ! »

Vous affirmez (sur la base de quelles sources ?) :
que les prix pratiqués par les grandes surfaces de Questembert sont en moyenne 3% plus élevés que partout ailleurs, sans parler des Hypers de Vannes et Redon, …
que l’ Intermarché Questembert est plus cher que l’ Intermarché Pompidou, …
que c’est là qu’il faut probablement chercher la cause principale de l’évasion commerciale, ..
qu’amener de la concurrence c’est redonner du pouvoir d’achat aux habitants... »

Ce sont là des remarques factuelles en partie fondées, mais aussi des conclusions hâtives, sinon téméraires, car elles ont d’autres explications.
Les personnes un peu informées des pratiques commerciales savent bien que les très grandes surfaces (Hypermarchés), surtout implantées dans des zones de chalandise à forte concentration de clients potentiels peuvent se permettre - grâce à des économies de logistique, grâce au nombre de produits référencés, et donc à l’importance de l’offre, grâce aux pressions accrues sur les fournisseurs... .- réduire leurs marges, donc leurs prix, et attirer plus de clients, tout en augmentant leur chiffre d’affaires.

L’implantation d’une nouvelle enseigne de grande distribution (en l’occurrence Super U) aurait permis, dites-vous, tout à la fois d’instaurer plus de concurrence, donc de faire baisser les prix, donc de redonner du pouvoir d’achat aux Questembertois... et donc de rapatrier ceux qui s’évadent, commercialement parlant, vers Vannes.
C’est là un raisonnement apparemment vertueux,.. mais un pari bien risqué. Celui, peut-être, qu’a fait le porteur du projet Super U. Mais fallait-il vous associer à ce raisonnement et à ce pari ? C’est là en effet une démarche à risques multiples que vous ne semblez pas véritablement entrevoir et donc assumer. A marteler, comme vous le faites, les mêmes arguments récurrents, vous ne leur donnez pas plus de crédibilité.
L’enseigne Super U, et elle n’est pas la seule, la presse s’en fait régulièrement l’écho, veut augmenter son emprise sur le marché. Comme le marché est moyennement extensible, surtout en ces temps de crise, il s’agit de prendre des parts de marché aux concurrents, le marché des autres grandes enseignes de la GD, mais aussi celui du petit commerce indépendant. C’est là une histoire bien connue depuis plus de quarante ans.
Comme pour toutes les enseignes, l’objectif final, c’est quoi, sinon d’augmenter leur chiffre d’affaires... et donc leur profit... non pas en partenariat avec, mais sur le dos de...
Rien que de très trivial dans tout cela. En quoi cela vous oblige-t-il à prendre fait et cause pour un tel projet de manière aussi partiale ?

Nous avions cru comprendre que la réflexion menée il y a quelques années à l’échelle de la Communauté de Communes sur l’avenir du territoire avait amené, en tenant compte de la nature du territoire, de l’évolution générale des activités porteuses d’avenir et donc d’emploi, et tout en étant compatibles avec les principes du développement durable... à privilégier non pas le commerce, mais l’artisanat, les services et notamment les services à la personne, et, en lien avec ces axes, à encourager l’orientation et la formation professionnelles dans ces directions.
Vous rappelez habilement dans l’éditorial du bulletin municipal de décembre que vous avez approuvé l’agenda 21 engageant à « privilégier les circuits courts » (Vous revendiquez même la mise en place d’un marché de producteurs !),.
Le PLU de 2005, comme le suivant resté en plan, comme tous les PLU... disent bien qu’il faut inscrire toutes les perspectives de développement (classement des parcelles, constructibilité, aménagement urbain... dans un plan, (c’est à dire une perspective) d’Aménagement et de Développement Durable (PADD)...
Ces options là, que nous n’avons cessé d’encourager, nous n’avons jamais dit que c’était facile de les mettre en œuvre, et nous ne cédons pas plus à l’invraisemblance de certains arguments de la minorité municipale qui préconisent de faire venir de fortes et improbables entités industrielles !
Ces suggestions auraient pu vous inspirer d’autres commentaires que les amabilités coutumières dont vous ne savez vous retenir et que vous réservez aux uns et aux autres. Pour ce qui nous concerne, nous avons encore droit - dans votre dernier éditorial entre autres - à des propos récurrents qui vous tiennent lieu d’arguments. Ainsi des « nobles idéaux, séduisants mais qui ne résistent pas aux questions ordinaires de pouvoir d’achat » « opposants au projet [qui] ont tenté de semer le doute, de faire peur sur de fausses bases » « de faire du chantage à l’emploi », et dont « il faudra se souvenir.[pour avoir] empêché ce projet d’intérêt général d’aboutir ».
Fermez le ban !
Nous avons le droit de penser et de l’étayer par des données aussi fiables que les vôtres
que votre raisonnement est partisan, n’est pas cohérent avec vos engagement de faire du développement soutenable, et de surcroît a (aurait eu) peu de chances de tenir ses promesses.

La zone d’emprise commerciale potentielle d’un nouvelle surface commerciale - de type supermarché, c.’à d. de moins de 3000 m2 à dominante alimentaire, quelle que soit l’enseigne, sur le territoire de Questembert - n’est pas totalement extensible, même si la population locale a augmenté depuis 10 ans.
Reprenant à votre compte, sans distance opportune, les arguments des porteurs de projet successifs ( Leclerc ou Super U), vous raisonnez en termes de « parts de marché », et vous avancez que puisqu’il y a un gâteau (marché théorique des dépenses commercialisables) de plus de 160 millions d’euros, et que les deux supermarchés de Questembert existants et récemment aggrandis prélèvent à eux deux environ 30 millions d’euros, il y a encore un gros morceau de gâteau à prendre.
Vous semblez bien assurés du raisonnement !
Nous sommes, quant à nous, plus circonspects, et nous n’oublions pas :
- qu’il y a d’autres concurrents déjà en place non réellement pris en compte, non seulement dans un périmètre restreint : Super U de Malansac (demandez-donc à son patron ce qu’il pense du projet concurrent et de la même enseigne sur une zone de chalandise qui s’entrecroise ?), mais plus largement supermarchés de Muzillac, d’Elven, de Malestroit, de Noyal-Muzillac, de Berric, de Sulniac, de la Vraie Croix, de Pleucadeuc, de Pluherlin, de Limmerzel, de Caden., etc.. et de Questembert .
- que le référencement d’un supermarché ,à dominante alimentaire et d’une surface ne dépassant pas 3000 m2 (c’ à d. avec une amplitude de l’offre commerciale réduite), n’est pas en mesure de contrer l’offre d’ hypermarchés (5000 m2 ou plus) très attractifs... ou d’autres grandes surfaces spécialisées, et donc de reprendre une part importante de l’évasion commerciale qui s’y adresse.
- que le « marché théorique » d’une zone doit être corrigé par ce qu’on appelle l’indice de disparité de consommation (IDC). C’est à dire, concrètement, que le pouvoir d’achat moyen mobilisable des habitants de la zone commerciale de Questembert (zone à dominante rurale) est, par ex., inférieur à celui de Vannes et de son agglomération, et surtout que les comportements d’achat c’est à dire l’importance respective de tel ou tel poste de consommation ( alimentation, habillement, logement/chauffage, équipement de la maison ou de la personne, transport/déplacements, loisirs/culture, etc... )est très largement relative au pouvoir d’achat, au lieu et mode d’habitation, aux habitudes familiales et culturelles...
- que la VPC ( vente par correspondance) est en train de connaître un développement très rapide ;
- que les « dépenses commercialisables » s’entendent hors logement/ loyers/ emprunts/ impôts/ énergie, hors certains services...,
- et donc que le marché « résiduel » doit être nettement circonscrit..

Au total, donc, ce marché théorique de 160 millions d’euros doit s’interpréter avec un peu plus de circonspection, … et les avantages que vous prêtez à ce projet (« une chance pour le développement », écrivez-vous, un plus de pouvoir d’achat d’au moins 3%, des emplois (plus de 40) ne nous paraissent aucunement garantis.
Nous le disons aussi sereinement que vous affirmez le contraire : augmenter l’emprise de la grande distribution sur le secteur ne correspond pas à un besoin ; il n’y a pas place pour un nouveau supermarché à Questembert, quelle qu’en soit l’enseigne, sans conséquences négatives sur l’emploi global de la zone de chalandise, sur la fragilité du commerce de centre ville et celle des commerces des communes périphériques ; sur le développement d’une dynamique - que nous souhaitons promouvoir - de produire/échanger/consommer local, de pratiques agro-culturales respectueuses de l’environnement , de mode de vie plus économe en énergie et en « empreinte écologique »...
Le soutien à un projet qui va encore accélérer l’emprise de la GD constitue un choix que nous récusons, car il correspond à une accélération de l’emprise d’une économie de prédation. Toute l’histoire économique – bretonne notamment – vient étayer ce constat . (Nous ne le développerons pas ici ; nous renvoyons à ce que nous avons écrit – et que vous connaissez - sur l’avenir de l’agriculture bretonne et son lien avec les centrales d’achat de la GD).
Nous imaginons qu’il serait peut-être préférable de soutenir la création de magasins de producteurs, ou d’épicerie sociale, ou par exemple de légumerie... susceptible d’approvisionner de manière fiable les cantines avec des productions locales et de qualité.

Enfin, vous vous en prenez aux Associations de Consommateurs qui n’auraient pas trouvé sur le territoire les « informateurs pertinents » et qui, en CDAC, se sont « à tort » abstenus !
Apparemment il y a eu une concurrence de pertinence.
Et nous permettrez-vous de faire référence, de notre côté aux deux « personnalités qualifiées » ayant eu aussi à se prononcer sur le projet en CDAC, l’une au titre du Développement Durable, l’autre au titre de l’Aménagement du Territoire, et qui toutes deux ont voté contre.
Cela ne vous vient pas à l’esprit que ces personnalités qualifiées ont précisément dit non à ce projet parce qu’il n’obéissait pas aux critères d’un véritable développement durable et ne constituait pas un bon projet d’aménagement du territoire.
C’est là aussi ce que nous pensons.
En conclusion, nous ne trouvons pas ridicule d’essayer de promouvoir un autre monde, et par exemple le « produire, échanger et consommer local » est un but ambitieux, certes, mais un but essentiel. Nous sommes toujours étonnés que la mouvance politique que vous représentez traîne si souvent les pieds pour nous aider à y parvenir, et nous ne voyons pas en quoi le développement de la grande distribution pourrait être un début de réponse à l’atteinte de cet objectif.
Nous formulons le vœu que la concertation argumentée puisse en 2013 trouver une meilleure place et l’emporter sur les polémiques telles que celles relevées plus haut ou encore cette pique surprenante de votre dernier éditorial : « l’approbation d’un agenda 21 …] doit-il interdire toute autre forme de distribution » , comme s’il agissait de cela, et comme si le secteur n’était pas déjà abondamment pourvu en supermarché bien au-delà de la moyenne nationale ou même départementale !

Henri Guilbaud, Roselyne Peron, Francis Roy membres du comité Agenda 21

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