Vivre à la campagne, en bonne intelligence
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La transformation radicale de nos sociétés rurales au cours des dernières décennies a mis en contact des populations qui auparavant vivaient assez éloignées : des nouveaux habitants venus de la ville et des agriculteurs. Ils ont des modes de vie tout à fait comparables, mais la coexistence ne va pas sans quelques frictions.
Les mêmes modes de vie
Il est loin le temps où le costume même marquait la différence entre les paysans et les gens de la ville. D’un côté, la veste noire en moleskine et le pantalon en coton rayé, de l’autre, le bleu de l’ouvrier ou la laine sergée des commerçants. Les modes de vie se distinguaient aussi par l’alimentation (le lard ou la viande douce), par le rythme de travail et les loisirs, le langage châtié de la ville ou marqué par le patois de la campagne. Ces différences se sont estompées, au point de disparaître complètement : tout le monde regarde la télé, le journal de 20h par exemple, tout le monde fait ses courses au supermarché (eh oui !), tous les enfants vont au collège et au lycée... La ville, vue comme le lieu de la modernité jusque dans les années soixante-dix, a perdu de son attrait. C’est un des aspects du « grand retournement » breton. On veut vivre à la campagne, quand bien même il faut prendre la voiture chaque jour pour aller travailler, le samedi pour faire les courses, pour conduire les enfants à la piscine, au foot ou à l’école de musique.
Des problèmes de cohabitation
Ils ont des modes de vie très semblables, mais pour les uns, néoruraux, la campagne est le lieu de la vie privée, de la famille, du repos, du loisir, pour les autres, paysans, agriculteurs, selon le nom qu’on leur donne, vivent et travaillent dans cette campagne qui n’est pas pour eux qu’un paysage, un décor, un écrin de leur tranquillité. Mais la campagne, c’est aussi là qu’on produit du blé : il faut labourer, semer, récolter... Et quand c’est la saison, quand la machine est disponible, quand le temps est favorable, il faut y aller, toute la journée et, parfois, une partie de la nuit. C’est là qu’on élève des vaches ou des cochons : il faut distribuer la nourriture, nettoyer les étables ou les cases de la porcherie, traire les vaches... Et cela matin et soir, tous les jours, y compris quand le voisin a fêté son anniversaire toute la nuit et qu’il veut faire la grasse matinée ! « Je travaille moi ! » Bien sûr, il pourrait quelquefois penser à la tranquillité du voisin, éviter de laisser tourner le tracteur sans nécessité à deux pas de sa fenêtre, signaler qu’il va épandre du fumier et qu’il vaut mieux ramasser le linge qui sèche.
De son côté celui qui supporte le bruit infernal et les odeurs chimiques dans son usine, la tension de la circulation routière, va trouver inadmissibles le bruit du tracteur, le beuglement des vaches ou... le chant du coq, va se plaindre des odeurs de l’étable, du poulailler ou de la porcherie. « Je suis chez moi, tranquille, je veux du calme, je ne veux sentir que le parfum des fleurs ou à la limite celui des foins coupés, encore que mes allergies... » Évidemment, il pourrait se rappeler qu’il a choisi d’habiter là en connaissance de cause, sachant qu’il y avait une porcherie à cinquante mètres de la maison... Ah c’est vrai, il va expliquer que la grande porcherie, ça pue très fort, que c’était mieux avant, quand il n’y avait que deux ou trois ou dix cochons dans la soue... S’il savait l’odeur puissante de l’ammoniaque qui s’en dégageait, s’il savait le bien-être des vaches dont la litière était faite d’ajoncs...
Un peu d’écoute, d’attention, de respect
La défiance et parfois l’hostilité naissent de l’ignorance des contraintes des uns et des autres : les choses se passent plutôt mieux lorsque les nouveaux sont accueillis par les anciens, lorsqu’ils participent à des fêtes de village, des moments qui leur permettent de comprendre les réalités de la vie rurale. Des opérations grand public, comme l’accueil à la ferme ou « récré halles, la ferme » contribuent à cette interconnaissance : les enfants d’aujourd’hui, même ceux des agriculteurs, vivent comme des urbains et n’ont plus sous les yeux les travaux des champs ou les pratiques de l’élevage.
Ensuite, ces efforts nécessaires ne suffiront sans doute pas à apaiser toutes les tensions... Vous aurez toujours des irréductibles qui ne voudront faire aucune concession : « Ces gens-là savaient à quoi s’en tenir avant d’habiter ici. » Les plus vicieux iront jusqu’à exagérer les nuisances pour provoquer le dégoût. Du côté des néoruraux, vous en verrez qui n’accepteront aucune concession : à la rigueur, seuls mériteraient la considération les agriculteurs qui ont choisi d’évoluer vers les productions biologiques.
L’un d’entre eux, qui a converti l’exploitation familiale laitière, veut un peu plus de tolérance : Je les connais, ce sont mes voisins, on travaille ensemble par exemple dans la CUMA pour le partage du matériel. Et j’ai bien l’intention de continuer. D’ailleurs, ils sont très bons dans leur domaine, ils sont pratiquement dans la démarche « agriculture écologiquement intensive ». L’expression peut surprendre ; elle correspond pourtant à leur pratique.
Il y a sûrement une voie pour une cohabitation sereine entre tous les habitants de la campagne et une complémentarité entre les diverses formes d’agriculture. A nous de la construire ensemble.
Sur la thématique agricole, voir les autres articles du site
Agriculture, les six orientations de la Région
Nouvelle alliance pour l’agriculture bretonne
Et on peut aller voir ailleurs...
Dans la France Agricole presse professionnelle, très « productiviste »
Publié le mardi 1er novembre 2011, par .
Messages
1. Vivre à la campagne, en bonne intelligence, 2 novembre 2011, 22:01, par Diogene le chien de garde
En bonne intelligence ??? vous en avez de bonnes, vous ! D’un côté, des quasi terroristes forts de leurs tracteurs (rappeler vous le saccage du bureau de Voynet) de l’autre des moines soldats de la défense de la nature, en tenue feldgrau.
je vous souhaite bon courage.
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1. Vivre à la campagne, en bonne intelligence, 4 novembre 2011, 06:00, par Paul Paboeuf
Diogène, vous mordez sans discernement !
Les débordements de groupuscules minoritaires manipulés ne doivent pas masquer la prise de conscience des nouveaux enjeux environnementaux et économiques chez les agriculteurs. C’est d’ailleurs d’un intérêt économique évident pour eux : les engrais chimiques, les produits phytosanitaires ont un coût qui vient grever leurs résultats. Je vous renvoie à deux articles récents d’Ouest-France
Sur l’agriculture écologiquement intensive
Sur la réaction des Jeunes Agriculteurs à la nouvelle PAC
D’autre part, à côté des illuminations des adorateurs de la Terre mère, il faut percevoir une attente sociétale d’une alimentation perçue comme plus saine, plus proche.
Il est temps de refaire le lien entre l’agriculture et la société. Pour tracer des pistes pour cette réconciliation, lisez le petit livre du sociologue Jean Viard Lettre aux paysans et aux autres pour un monde durable.
Et c’est l’ambition du président de la Région Bretagne, Jean-Yves Le Drian, qui propose une Nouvelle alliance pour l’agriculture bretonne.
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2. Vivre à la campagne, en bonne intelligence, 20 novembre 2011, 18:17, par K.Even
C’est vrai qu’à Questembert, les paysans ont de la peine à se faire accepter : l’extension de la porcherie de Bréhardec a mis vos bobos écolos en rage, et avec le projet de supermarché supplémentaire, vous allez encore les avoirs sur le dos ; pour défendre l’agriculture paysanne, et le petit commerce, ils vont faire le jeu d’intemarché et carrefour.
En plus, à Questembert , vous semblez avoir des difficultés à vous entendre : le maire, la municipalité sont attaquées souvent par l’opposition, dans les commerces, c’est pareil. Il sont pas toujours aimables.Pourtant, vu de l’extérieur, vous faites des choses intéressantes, vous avez construit une belle salle de gymnastique et mes enfants en profite ; la piscine est très agréable. vous avez aménager la place avec des bancs et des massif de fleurs et c’est très bien.
Je regrette toujours le comportement de certains automobilistes qui voudraient entrer jusque dans le magasin ou qui mettent leur voitures n’importe où ; moi je trouve toujours de la place pour me garer du côté du cinéma.
si j’avais une critique, je dirais que c’est pas assez fleuri : à part les massifs que met la mairie. les questembertois devrait faire un effort là-dessus.
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