Accueil > Editoriaux > Un projet de civilisation ?

Un projet de civilisation ?

    Partager : sur Facebook, sur Twitter, sur Google+.

Au cours de son discours de voeux, le président de la république nous a proposé un projet de civilisation, se référant implicitement à Edgar Morin, un philosophe plus célèbre que compris. La proposition a provoqué de la perplexité, surtout dans son propre camp. Perplexité encore accrue lorsqu’il a invité les prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Amartya Sen à travailler dans une commission chargée de réfléchir à de nouveaux indicateurs pour évaluer la croissance.

Il est vrai que l’indicateur classique, le PNB, produit national brut , présente bien des défauts : un accident de la route, qui augmente l’activité des carrossiers, des compagnies d’assurances, des médecins et des kinés s’il y a eu des blessures, contribue à accroître le PNB... Les critiques de Joseph Stiglitz, auteur du livre « Quand le capitalisme perd la tête », sont moins caricaturales, vous vous en doutez, mais elles nous montrent qu’il faut sans doute regarder d’autres éléments pour évaluer la « richesse des nations ».

Quant aux travaux d’Amartya Sen, ils ont largement inspiré le Rapport sur le Développement Humain publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Amartya Sen a ainsi contribué à l’invention de l’Indicateur de développement humain (IDH) qui mesure la pauvreté en fonction de la santé, du niveau d’éducation et du niveau de vie.

Ce sont là des points de vue qui, pour moi, sont essentiels et qui inspirent ma réflexion et mon action. Pourtant, aujourd’hui la préoccupation première des Français est le pouvoir d’achat, c’est-à-dire : comment remplir le réfrigérateur pour nourrir la famille, comment payer la franchise médicale pour accéder aux soins, comment payer le plein de gazole pour aller au boulot, comment acquitter la facture de gaz pour le chauffage ?

Sans doute faut-il nous poser collectivement la question de la civilisation. Mais la poser en ce moment me fait penser à la reine Marie Antoinette répondant, dit-on, au peuple affamé qui réclamait du pain : « ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche : »

Pour continuer la réflexion, on peut lire l’intervention de Patrick Viveret en ouverture des IIIèmes assises régionales des territoires de Bretagne, à Lanester en décembre 2007.

Les troisièmes assises des territoires de Bretagne

Publié le jeudi 1er mai 2008, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. Gandhi

Messages

  • PNB, niveaux de vie, Seuil de pauvreté, comparaisons avec les pays environnants… Comme pour la supposée baisse du chômage, les chiffres sont parlants ! Ils peuvent même être bavards, donner des informations contradictoires selon celui qui les étudie, son point de vue macro ou microscopique. Statisticiens et autres économistes qui observent les marchés ! Les médias en font parfois leurs unes pour attirer et manipuler le citoyen lambda. On parle de richesse à une énorme majorité de personnes qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui ni parviennent plus sans l’aide des associations humanitaires, puisque l’État les rejette, rejette le « social » comme il le fait pour les services publics en général. Le capitalisme montre ses limites, il n’est pas mieux que les autres totalitarismes, car il est totalitaire, monstrueuse oligarchie sans aucun respect de l’être humain. Pour encore combien de temps ? C’est long ! 7% de riches en France détiennent 80% des richesses et estiment qu’il serait injuste de mieux organiser la répartition ! Chaque hiver voit mourir des gens dans la rue, de faim de froid et de misère ! A quoi servent les chiffres ?

    Voir en ligne : http://bontemps/hautetfort.com

    Répondre à ce message

    • Mais les socialistes sont pareil même pire :

      Ségolène Royal condamnée pour des « licenciements abusifs » datant de 1997

      La cour d’appel de Rennes donne raison à deux ex-attachées parlementaires
      de l’ancienne députée,qui réclamaient le versement de plusieurs mois de salaires non payés.

      AFP

      LIBERATION.FR : jeudi 10 avril 2008

      Les faits remontent à 1997. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, Ségolène Royal avait licencié, comme
      tous ses collègues députés, ses collaboratrices, attachées parlementaires. Les deux femmes l’avaient ensuite
      attaquée devant le conseil des prud’hommes de Niort, affirmant avoir continué à travailler pour elle pendant la
      campagne puis jusqu’en juillet, après son entrée dans le gouvernement Jospin.
      Le conseil des prud’hommes avait accédé à leur demande, mais uniquement sur une période d’environ trois
      semaines, le temps de la campagne électorale. Insatisfaites, elles avaient alors saisi la cour d’appel de Poitiers
      qui, en février 2005, avait confirmé cette décision.
      L’arrêt avait ensuite été cassé en janvier 2007 par la chambre sociale de la Cour de cassation parce que la cour
      d’appel n’avait pas pris en compte de nouvelles pièces versées par les deux plaignantes. L’affaire avait alors été
      renvoyée devant la cour d’appel de Rennes, qui a donné raison jeudi à ces deux ex-attachées parlementaires de
      Ségolène Royal, qui réclamaient depuis 1997 le versement de plusieurs mois de salaires non payés.

      "Je suis entièrement satisfaite de la décision de justice qui a reconnu qu’il y avait licenciement abusif. Je
      voulais juste récupérer mes bulletins de salaires et la somme correspondante", a indiqué l’une des exassistantes,
      Evelyne Pathouot. Ce n’est absolument « pas une vengeance envers Ségolène Royal », a-t-elle ajouté.

      Répondre à ce message

    • Vous avez tort ! Vous confondez Ségolène Royal avec les socialistes... Pierre Bourdieu disait alors que Royal était dans un gouvernement de Mitterand que tout, dans les actions et dans les réflexions, les discours, etc... Démontrait que Ségolène royal était fondamentalement quelqu’un de droite. Je ne suis pas socialiste, je suis et je le revendique Anarchiste. Mais je garde l’espoir qu’il y a au PS des gens de gauche et j’en connais !
      Je vous félicite pour votre courage anonyme ! Au moins, vous lisez les notes du site de P.Paboeuf, vous n’êtes peut-être, malgré tout, pas trop con...

      Répondre à ce message

  • Comment résister à vous faire partager la réflexion de Dominique Méda, Directrice de l’Unité de recherche Trajectoires, Institutions et Politiques d’Emploi au Centre d’Etudes de l’emploi ?

    Clairement, il y a contradiction absolue entre le slogan Travailler plus pour gagner plus et un projet de société consistant à produire, consommer, travailler mieux et tous, et à reconnaître l’importance du temps consacré aux proches et au débat démocratique. Mais lisez vous-même....

    Deux Nobel ne font pas le bonheur

    Article paru dans le Monde édition du 22.04.08

    La réflexion sur la croissance demandée par M. Sarkozy est-elle une diversion ou une révolution ?
    Au début de l’année, le président de la République a annoncé qu’il était urgent de réfléchir à l’élaboration de nouveaux indicateurs de croissance. Ayant défendu cette position à la fin des années 1990 dans Qu’est-ce que la richesse ? (éd. Aubier, 1999), et dans des termes quasiment identiques, puisque, comme notre président, je voyais dans ce nouvel outillage la possibilité d’étayer un nouveau projet de civilisation, je m’interroge sur ses intentions et sur sa méthode.

    Sur ses intentions d’abord. De deux choses l’une : ou bien le président connaît les travaux qui ont été développés depuis quelques années en France sur ces questions par des chercheurs de toutes disciplines, avec des associations engagées dans des actions concrètes (collectifs Nouvelles Richesses de Patrick Viveret, Utopia...), et dans ce cas, il est prêt à une véritable révolution que toute la gauche appelle de ses voeux. Ou bien il s’agit d’une tentative de diversion destinée à gagner du temps et à faire oublier que les vrais problèmes ne sont pas réglés.

    Laissons pour l’instant de côté cette dernière hypothèse, et revenons aux raisons pour lesquelles il nous faudrait adopter de nouveaux indicateurs de richesse. Elles tiennent aux insuffisances du produit intérieur brut. Celui-ci ne valorise pas des types d’activités ou des temps essentiels pour la vie des sociétés : « temps avec les proches », « temps des activités citoyennes et démocratiques », « temps domestique »...

    Il ne s’intéresse pas davantage à la manière dont la contribution à la production, et les revenus issus de celle-ci, sont répartis entre les membres de la société ; il ne peut donc pas donner de signaux sur d’éventuels facteurs de décohésion sociale. Enfin, il ne prend pas en compte les dégâts engendrés à l’occasion de la production, les atteintes au patrimoine collectif dont est dotée une société à un moment donné, notamment les déprédations opérées sur le patrimoine naturel par l’activité industrielle et commerciale.

    Si nous sommes collectivement attachés à l’inscription dans la durée de nos sociétés, il est clair que nous ne pouvons nous contenter de prendre en compte les évolutions de la seule production. Le développement d’une société ne dépend pas seulement de la valeur des biens et services produits et appropriés par des unités de consommation, mais aussi de beaucoup d’autres éléments : de la qualité de l’air et de l’eau, de l’aptitude des individus à la paix, de leur capacité à être autonomes, de leur niveau d’éducation et de santé, de la capacité de la société à maintenir ses membres dans une relative égalité des conditions.

    Dès lors, un nouvel indicateur de richesse ou une nouvelle batterie d’indicateurs devront permettre de donner une image plus pertinente des évolutions de la société, sans doute plus « vitale » que celle que donne le PIB. Ces nouveaux indicateurs devront permettre d’élaborer puis d’évaluer les politiques mettant en oeuvre ce que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) appelle le développement humain.

    Contrairement à ce que laissait penser la déclaration de Nicolas Sarkozy, il existe déjà, aujourd’hui, de très nombreux indicateurs alternatifs ou complémentaires au PIB, qui ont été recensés de façon exhaustive en France par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice. Surtout, certains d’entre eux ont déjà été utilisés pour mesurer les « performances » globales des pays, et l’on peut donc comparer les classements réalisés sur la seule base du PIB et ceux réalisés sur la base d’indicateurs plus larges : je pense, ici, à l’indicateur de développement humain, mais aussi à l’indice de bien-être économique d’Osberg et Sharpe, ou encore à l’indicateur de progrès véritable et à l’empreinte écologique.

    Les résultats sont édifiants : ce sont les pays qui consentent les plus gros efforts pour protéger leurs ressources naturelles, qui mettent tout en oeuvre pour maintenir une certaine égalité des conditions de vie, qui opèrent une redistribution massive des revenus et qui permettent à toute la population active d’accéder à l’emploi tout en reconnaissant la valeur du temps familial, domestique et de loisirs, qui occupent les premières places des palmarès. Les pays nordiques y caracolent en tête.

    Le programme politique qui en découle est clair : il nous faut, comme l’indiquait le « Rapport mondial sur le développement humain » de 1998, opérer une redistribution entre les consommateurs à hauts et bas revenus, abandonner les produits et procédés de production polluants, favoriser les marchandises donnant une place aux producteurs pauvres, faire en sorte que la consommation ostentatoire laisse place à la satisfaction des besoins essentiels.
    Le discours visant à travailler plus, produire plus, et gagner plus pour consommer plus semble en totale contradiction avec un projet de société consistant à produire, consommer, travailler mieux et tous, et à reconnaître l’importance du temps consacré aux proches et au débat démocratique. Les premières mesures du quinquennat ne semblent pas constituer la première étape d’un tel programme. D’où ma première question : notre président est-il vraiment prêt à changer ? Si c’est le cas, plus que la mise en place d’une nouvelle commission, ce sont un discours radicalement nouveau et des actes en rupture avec la politique des derniers mois qui en témoigneront.

    La seconde question concerne la méthode. Le président de la République a confié à deux Prix Nobel (Amartya Sen et Joseph Stiglitz), le soin de constituer une commission chargée de concevoir de nouveaux instruments de mesure de la croissance économique. Certes, cela suppose une expertise économique pointue. Mais de nombreux débats et publications ont déjà permis aux partisans d’un indicateur synthétique de défendre leur point de vue face à ceux qui pensent qu’il faut plutôt des batteries d’indicateurs. Beaucoup a été dit sur la question de savoir si et comment il fallait pondérer les différentes dimensions d’un indicateur synthétique, s’il fallait ou non donner une valeur monétaire à ce qui n’a pas de prix... Mais l’essentiel n’est pas là.

    Si de nombreux économistes - et les institutions publiques dans lesquelles ils exercent - se sont le plus souvent déclarés réticents à la mise en place de tels indicateurs, c’est parce qu’ils se heurtaient à la question de savoir qui peut décider légitimement des critères à prendre en considération pour déterminer ce qu’est une « bonne » société ou pour qualifier ses évolutions. Qu’est-ce que qu’une société riche ? Une société qui produit beaucoup, qui répartit bien ses revenus, qui donne accès à tous aux principales ressources, qui équilibre ses temps entre les tâches rémunérées et les tâches de soins ?

    Qui va décider de cela ? Sommes-nous prêts à admettre que le fait même d’être en société nous importe et que la cohésion de cette société constitue un bien commun qui a une valeur ? Beaucoup d’économistes en doutent. Et s’interdisent même de parler de « la société », voyant dans cette expression une abstraction dangereuse et refusant a fortiori de qualifier la société ou ses évolutions. Or, comme le défend Axel Honneth, si nous sommes capables de désigner certaines évolutions de la société comme pathologiques, c’est bien parce que nous nous référons à des principes éthiques et à des normes, et que nous sommes capables d’expliciter les critères d’une vie réussie.

    Pour nous y aider, nous avons non seulement besoin d’économistes, mais aussi de chercheurs de toutes disciplines, et surtout des citoyens eux-mêmes. Le débat démocratique et la participation de tous les citoyens constituent des éléments essentiels dans la quête de ce que sont les ingrédients et les critères d’une société qui permet à tous ses membres de devenir pleinement des sujets et des individus toujours plus civilisés.

    Nous n’avons pas besoin du « dictateur bienveillant » de l’économie pour nous le dire. Dès lors, les choses paraissent claires : si la commission souhaitée par le président de la République, constituée de la fine fleur de l’élite économique mondiale, se réunit en chambre pour nous délivrer sa formule magique, gageons que celle-ci, quelle que soit sa perfection technique, ne nous sera d’aucune utilité, incapable qu’elle sera de rendre visibles les malaises de notre civilisation.

    En revanche, si, réunissant des savants de toutes disciplines, elle parvient à mettre en place les conditions d’une délibération publique éclairée, et permet aux experts d’être les médiateurs du dialogue avec elle-même dont la société a aujourd’hui besoin pour concevoir les politiques publiques et les évaluer, cette commission nous aura permis de faire un grand pas dans la résolution de nos maux.

    Dominique Méda

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document