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Réforme territoriale : un piège

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Simplifier le mille-feuilles territorial, faire des économies d’échelle, éviter les doublons, etc. Telles sont les belles intentions affichées par la réforme territoriale voulue par Sarkozy et discutée ces temps-ci au parlement.

La question de la compétence générale

Pour simplifier, pour éviter les doublons, le projet prévoit de supprimer la clause de compétence générale. Cette compétence générale permet aux collectivités territoriales, communes, départements, régions, d’intervenir dans tous les domaines, dès lors que l’intérêt public est avéré. En fait, il y a déjà des spécialisations, par exemple, le département pour les collèges et l’action sociale, la région pour la formation professionnelle, l’économie, les lycées, les transports régionaux.

Cependant, le département et la région peuvent toujours décider d’appuyer des politiques qui sont à côté de leur champ d’intervention propre. Ainsi le département a toute un série d’aides aux programmes communaux ou intercommunaux : voirie et bâtiments communaux, développement économique, équipements sportifs, actions culturelles, etc. La région elle aussi intervient auprès des communes ou communautés à travers les contrats de pays, ou bien par des politiques sectorielles (économie, sports, culture, etc). Tout cela fait ce qu’on appelle des financements croisés, ce qui gêne la lisibilité des politiques publiques : on ne sait plus qui fait quoi ? qui est responsable de quoi ?... Supprimer la clause de compétence générale serait sans doute une simplification... Pas sûr cependant que ceux qui sollicitent la région ou le département pour le développement culturel ou sportif y trouvent leur compte.

Sait-on par exemple que 80% de l’argent affecté à la culture et 75% des dépenses pour le sport viennent des collectivités territoriales ?

Avec la suppression de la clause de compétence générale plus question pour les régions d’apporter un soutien aux projets sportifs et culturels des communes ou des communautés : ce ne sera pas dans leurs compétences ! Adieu les subventions à la piscine, pourtant d’intérêt majeur pour un vaste territoire, adieu le soutien à l’initiative culturelle dont le rayonnement s’étend largement au-delà de la petite communauté qui l’a lancée.

Le mistigri de la dépense publique

Réduire la liberté d’action des collectivités est un moyen de les obliger à orienter leurs ressources pour relayer les compétences de l’Etat, qui leur ont été transférées sans les compensations financières. Les départements ont maintenant à leur charge le RMI/RSA et l’Etat leur doit aujourd’hui 12 milliards d’euros. Mais il y a aussi les transferts invisibles : ce que l’Etat ne fait plus et que les collectivités doivent prendre à leur compte. Qui va devoir accueillir les enfants de moins de trois ans désormais refusés dans les écoles maternelles ? Et qui paiera ? Qui va demain assurer la vérification des permis de construire, ce que fait encore la DDE pour les petites communes ?

L’autonomie financière

Pour assurer ces missions, les collectivités sont confrontées une baisse dramatique de leurs ressources. Alors que le « panier du maire », un indice des prix spécifique élaboré par l’Association des Maires de France et la banque Dexia, a augmenté de 20% entre 2002 et 2008, les dotations de l’Etat n’ont progressé que 8%. La suppression de la Taxe professionnelle va encore réduire l’autonomie financière des collectivités, spécialement celle des Régions, et dans une moindre mesure, celles des départements et des communautés. On comprend dans ces conditions que le département du Morbihan ait été obligé d’augmenter ses taux d’imposition de 3,5%.

Un bouclier électoral

La réforme territoriale prévoit aussi de regrouper les conseillers généraux et les conseillers régionaux et d’en diviser le nombre par deux. Il n’y aura plus que des conseillers « territoriaux » qui siègeront au niveau départemental et au niveau régional... Ils seront à la fois plus puissants et plus performants. En tout cas, c’est ce que dit la propagande du ministère de l’intérieur.

Ces conseillers territoriaux seront élus dans des super-cantons, au scrutin uninominal à un tour sauf pour 20% d’entre eux qui seront élus à la proportionnelle... Un mode de scrutin baroque, qui aurait eu pour effet de permettre à l’ump de gagner
9 régions le 14 mars ! Avec 26% des suffrages exprimés au niveau national. Mais encore mieux, avec les « conseillers territoriaux », élus dans les super-cantons redécoupés par Marleix, le spécialiste de la dentelle électorale, dans la 4ème circonscription, la droite pourrait faire le grand chelem en 2014 ! Evidemment, ne parlons plus de parité, le scrutin uninominal la rend quasiment impossible, alors même qu’elle est inscrite dans la Constitution.
Il y avait le bouclier fiscal, voici maintenant le bouclier électoral pour Sarkozy ;

La guerre aux services publics

Privées de ressources, sans marges de manoeuvre fiscales, les collectivités n’auront d’issue que de réduire les services offerts à leurs administrés. Et d’ailleurs, sous prétexte de simplifier le mille-feuilles territorial, la loi prévoit de supprimer la clause de compétence générale.

Il est temps de décider, disait le titre du rapport Balladur. Non il est temps d’agir, de lutter pour défendre nos territoires, pour défendre nos concitoyens contre un projet qui a renoncé à la notion même de bien public.

A lire Miracle à l’UMP, de Gérard Courtois :

http://www.lemonde.fr/opinions/arti....

Publié le lundi 12 avril 2010, par Paul Paboeuf.

Messages

  • Derrière la question fumeuse de la compétence générale, le gouvernement veut s’arranger pour empêcher les régions et départements de gauche de mener des politiques d’intérêt générale, par exemple l’appui aux jeunes qui veulent faire du sport, l’aide de 15 € ça n’a l’air de rien mais c’est important pour le jeune comme pour les clubs de sports.

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  • Compétence générale et culture

    avez-vous vu que le salon du livre de jeunesse de Montreuil a failli être victime des coupes budgétaires que le département de Seine St Denis est obligé de faire après la suppression de la taxe professionelle ?

    voilà ce qui attend les associations qui montent des projets culturels ou sportifs les années prochaines ;

    défendons ensemble les services publics !

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  • Pour continuer la réflexion

    Dans son éditorial du vendredi 16 avril, Michel URVOY, qui est souvent très indulgent avec le gouvernement, tire à boulets rouges sur le projet de réforme territoriale présenté au parlement qui illlustre, dit-il, « la méthode d’un pouvoir critiqué, jusque dans ses rangs, pour sa gouvernance. » C’est « une demi-réforme, un projet conçu à l’envers et une vision à contre-emploi. »

    « On brandit d’abord l’élu territorial, comme si la fusion du conseiller régional et général pouvait être la source principale d’économie. On cherche un mode de scrutin plus avantageux pour l’UMP. On allège la taxe professionnelle et on encadre des taux d’imposition qui retirent aux collectivités quasiment toute liberté et trahissent l’arrière-pensée centralisatrice du pouvoir. »

    « C’est une reprise en mains des collectivités qui distingue la France des autres pays, heureux de disposer d’une décentralisation poussée. »

    A lire sur le site d’Ouest-France : Le choc de deux visions territoriales

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  • je penses que les socialistes s’opposent à la réforme territoriale pour des raisons politiciennes puisqu’ils vont perdre une partie de leurs pouvoirs par un scrutin qui est calculé pour minimiser leur impact ; mais je suis d’accord pour dire que c’est de la petite politique de la part de sarkozy ; la réforme des collectivités mérite mieux qu’un bricolage à la petite semaine ; et les députés de droite vont faire semblant de grogner (comme notre maire de vannes) et ils finiront par voter de peur de se faire balancer comme son copain le guen a été éjecté pour faire la place à la préfète ; la punition a été sévère, la droite ne méritait pas une telle raclée, et Le Drian (que je respecte !) ne méritait pas non plus une telle victoire.

    vous avez bien fait de citer l’éditorial de ouest-france : on voit bien qu’il n’y a pas que de mauvaises raisons polititciennes pour s’opposer à la réforme territoriale de sarkozy

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  • Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des Finances de l’Association des Maires, a commenté les conclusions du rapport Carrez.... : une politique de stagnation

    A lire en entier sur son blog En voici 4 points essentiels... Rien de bien réjouissant

    - Le gel global doit impérativement s’accompagner de la mise en oeuvre d’une politique de péréquation plus déterminée. Cela signifie clairement que, pour certaines collectivités disposant d’un potentiel financier plus élevé que la moyenne, le gel global se traduira par un prélèvement net sur leurs ressources. Ce mouvement a certes été amorcé en 2009, mais le mouvement devra nécessairement être amplifié. En effet, le temps de la péréquation financée sur les marges de progression des dotations d’Etat est désormais révolu.
    - Contrairement à ce qui est généralement affirmé, la dotation forfaitaire (part essentielle de la dotation globale de fonctionnement) n’a pas garanti le pouvoir d’achat des communes par le passé. Ainsi, entre 2002 et 2009, cette dotation a globalement progressé de 10%, alors que l’inflation générale connaissait une augmentation de 12% et l’indice des prix des dépenses communales, publié tous les trois mois par l’AMF, progressait, lui, de plus de 21%.
    - L’examen détaillé, sur le terrain, de l’évolution de certaines dépenses montre qu’à l’évidence, les communes et communautés – comme les autres collectivités locales – sont souvent venues en soutien, voire en substitution, de l’Etat dans de nombreuses politiques publiques : sécurité, justice, accueil de la petite enfance, scolarisation des jeunes enfants, action sociale de proximité, financement du logement, grandes infrastructures, etc. Pire même, les méthodes choisies pour la RGPP ont parfois conduit les collectivités locales à assurer des services de base auparavant assurés par l’Etat. Compte tenu de l’implication des pouvoirs locaux, la révision des politiques publiques ne peut à l’évidence se concevoir qu’en concertation étroite avec ceux-ci, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.
    - Le manque à gagner sur les dotations aura nécessairement, à un moment ou à en autre, des conséquences d’abord sur la capacité d’autofinancement des communes, puis sur le volume des investissements publics – pourtant moteurs essentiels de la croissance en France – et/ou sur le niveau de la dette publique locale, aujourd’hui encore modéré.

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