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Quel avenir pour nos filières industrielles ?

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Vendredi 19 avril, la Fédération PS du Morbihan, avec les sections de Questembert et de Pontivy, organisait une réunion débat sur l’avenir de nos filières industrielles. Une réunion suivie avec beaucoup d’attention par les quelques 70 participants. Il faut admettre que la situation des filières automobiles et agroalimentaires provoque bien des inquiétudes dans notre secteur.

Un territoire frappé de plein fouet par la crise Doux

Monique Danion, maire et conseillère régionale, a d’abord présenté le contexte local : le site de la Hutte St-Pierre, c’est Soprat Père Dodu, une unité du groupe Doux, spécialisée dans les produits élaborés qui génère de la valeur ajoutée, mais c’était aussi l’administration (gestion, comptabilité, services commerciaux) rattachée à Doux Frais, qui a été touchée par la restructuration : cent trente salariés, surtout des femmes, se sont retrouvés licenciés. Ces personnels sont pour le moment protégés par le « plan de sécurisation de l’emploi, » mais leur reclassement n’est pas facile, malgré les efforts conjugués des services de l’Etat et des élus locaux.

Le chômage technique dans l’automobile : 3500 emplois

Maxime PicardEn poste à Redon, Maxime Picard, secrétaire de la section de Questembert, est en charge des politiques d’emploi et de développement local, et donc en particulier des conséquences de la crise du secteur automobile : depuis le début de l’année, il y a eu 1 700 000 heures de chômage partiel, soit l’équivalent de 3500 emplois, le tiers des effectifs de la filière (Citroën-PSA et sous-traitants). On paie les conséquences de l’absence de politique industrielle depuis 10 ans ; juste un symbole : Renault, dont l’Etat est actionnaire, a déménagé son siège social aux Pays-Bas (du temps de Sarkozy !) Si, en Grande-Bretagne, la destruction de l’industrie est à mettre au compte de Mme Thatcher, on peut estimer à 700 000 au moins le nombre des emplois détruits dans les dix années de domination de la droite.

L’Etat doit reprendre son rôle de stratège pour la réindustrialisation de notre pays. Mais il faut aussi une clarification des relations entre les donneurs d’ordre et les sous traitants, car, d’une certaine manière, avec ce système, le droit commercial a supplanté le droit du travail.

Remettre l’industrie à sa juste place

Nelly MorisotNelly Morisot, membre du bureau national, est d’abord une spécialiste des politiques industrielles et des relations avec l’Allemagne. D’emblée, elle a insisté sur la nécessité de redonner l’importance méritée à l’industrie, créatrice de richesses et pourvoyeuse d’emploi. Evidemment, il ne faut avoir aucun regret de l’industrie d’autrefois avec son cortège de misères : qui d’ailleurs pourrait regretter ces temps de misère. L’illusion d’une société de services s’est éloignée ; on voit que ces services sont délocalisables : les centres d’appel sont partis au Maghreb, les retraités vont s’installer au Maroc ; les établissements polonais accueillent les vieux Allemands...

Dans cette spirale descendante de la désindustrialisation, il faut retrouver la confiance dans l’industrie française : bien que nous ayons une réelle faiblesse dans les entreprises de taille moyenne, nous sommes aussi productifs, aussi compétitifs que nos concurrents. Arnaud Montebourg a voulu mettre en valeur les innovations que développent des entreprises françaises avec les nouveaux objets de la France industrielle
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Le sujet pourrait être abordé soit au point de vue macro-économique soit du point de vue micro-économique, ou encore à travers une approche temporelle (l’industrie du passé comme Florange, celle du présent comme l’agroalimentaire, celle de demain avec les biotechnologies), ou bien en se mettant sur la défensive ou à l’offensive.

En question préalable, il faut parler de l’Europe qui met en avant « la concurrence libre et non faussée, » mais la concurrence n’est trop souvent que le pendant juridique de l’austérité. Quoi qu’en dise la droite, la France n’est pas si isolée que ça dans sa volonté de desserrer l’étau de la MerKozie.

Le retour de l’Etat stratège

La politique menée depuis un an marque le retour de l’état stratège ; en témoignent le plan de relocalisation, le soutien à l’innovation par le crédit d’impôt recherche, ce qui n’empêche pas l’action défensive ; grâce à l’action dossier par dossier, nous avons réussi à préserver 65000 emplois sur 75000 qui étaient menacés. Ces combats pied à pied sur le terrain en jouant des synergies pour irriguer le tissu local vont pouvoir s’appuyer sur la Banque Publique d’Investissement pour la réindustrialisation et le redressement productif.

« Nous avons des raisons d’être optimistes. Maintenant, l’image de l’industrie redevient positive et il y a consensus pour reconnaître qu’elle est porteuse de richesse et d’emplois. D’autre part, le mouvement de relocalisation est engagé, même s’il est encore timide : produire en France, c’est bien. Car comme le disait François Hollande dans sa campagne : le déclin n’est pas notre destin. »

L’agriculture base de l’industrie agroalimentaire

Paul MolacAu plus près des problématiques locales, Paul Molac a martelé l’importance vitale de l’agriculture, de la production agricole et de l’industrie agroalimentaire pour notre région, notant que l’emploi total de ce secteur a baissé depuis 2010. Les outils industriels sont sous-utilisés et la production fléchit aussi bien en volailles qu’en porcs. D’ailleurs, à ce jour plus de 40 % de la viande de volaille consommée en France est importée ! Bien sûr, la rentabilité des abattoirs et des ateliers de première découpe est faible, et il faut des gestionnaires très affûtés capables de vision prospective. Il y en a eu, il y en a encore, on connaît aussi des cas d’incompétence, il y a même quelques voyous qui manipulent la confiance des élus et des salariés.

Face aux défis, les réponses sont aussi bien dans la transformation de l’agriculture que dans les IAA. Du côté des IAA, deux nécessités absolues s’imposent : l’innovation et la montée en gamme.

Pour l’agriculture, la nouvelle alliance proposée par la Région veut orienter les pratiques vers l’agroécologie à la fois productive et respectueuse de l’environnement. Deux défis : le maintien de la production pour alimenter nos IAA et l’amélioration de la qualité de l’eau.

Il faudra obtenir la réforme des aides européennes qui avantagent les productions végétales et pénalisent lourdement l’élevage, et en particulier la production de lait. Si rien n’est fait, on va voir des éleveurs abandonner le métier peu rémunérateur, très exigent et se tourner vers la culture des céréales : une fois le pas franchi, il n’y aura pas de retour en arrière. Le ministre Stéphane Le Foll s’y emploie. Les dotations seront augmentées pour les 50 premiers hectares et les aides à certaines productions animales maintenues.

Mais nous pouvons fonder des espoirs raisonnables sur le développement de la méthanisation : la production d’électricité et de chaleur peut apporter un complément de revenus, le digestat est un fertilisant qui peut remplacer avantageusement les apports d’engrais minéraux azotés. A ce jour, 1/3 de l’azote utilisée en Bretagne est d’origine minérale, l’ammonitrate. Elle est produite à partir du pétrole... Les excédents de digestat peuvent aussi être exportés vers d’autres régions. Cette méthode devrait nous permettre d’améliorer encore la qualité des eaux.
D’autre part, les bâtiments des élevages hors sol sont pour beaucoup vieillissants et leur rénovation ne sera pas possible sans un gros effort financier et probablement un assouplissement des contraintes réglementaires.

Dix ans sans politique industrielle

Maire de Pontivy et conseiller régional, avant de devenir député, Jean-Pierre Le Roch suit les questions industrielles et particulièrement l’agroalimentaire. L’économie résidentielle a été très à la mode, il y a quelques années. Sans en nier l’importance, il a rappelé que pour qu’il y ait des services, il faut qu’il y ait des habitants actifs, et pas seulement des retraités ! Il faut qu’il y ait un secteur productif développé. En France, aujourd’hui, l’industrie ne représente que 10 % du PIB, et ce chiffre, dans la zone euro, nous met en 15ème position sur 17.

La tribune pendant l'intervention de Jean-Pierre Le Roch

Le déclin de notre industrie agroalimentaire ne date pas d’hier : on paie l’inertie du gouvernement Fillon qui connaissait la situation du groupe Doux comme celle de GAD. Et personne ne pouvait ignorer la fin programmée des « restitutions » décidée dès 2004. En 2008 Sarkozy a fait adopter la loi LME qui a donné le pouvoir absolu aux centrales d’achat. Nous payons aussi l’aveuglement des responsables sur l’Allemagne qui a lancé une politique de reconquête de son industrie agroalimentaire et aide ses paysans de façon indirecte par les incitations à la production d’énergie : la méthanisation, le photovoltaïque sont nettement plus développés que chez nous. Sans parler du dumping social : une large majorité des ouvriers des IAA vient de Pologne ou d’Ukraine.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fixé le cap : il faut mobiliser les moyens de l’Etat et développer une stratégie de reconquête autour du contrat de filière alimentaire.

Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture et Guillaume Garot, en charge de l’industrie agroalimentaire ont lancé en février les rencontres régionales de l’agroalimentaire et du bois. Une première synthèse a été présentée à Rennes à la fin mars. Les propositions qui se dessinent portent sur la nécessité de la modernisation des outils, ce qui suppose un assouplissement de la réglementation, et aussi des financements grâce à la BPI et au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Quant à l’écotaxe Borloo, elle aurait lourdement pénalisé la Bretagne : les parlementaires bretons ont réussi à obtenir un taux réduit (le prélèvement prévu était de 120 M€, il est abaissé à 40 M€) et la collecte de lait en est totalement exonérée.

Formation et dialogue social

Enfin, le gouvernement veut redonner toute sa place à la formation et au dialogue social. Comme l’ont expliqué Jean Auroux, ministre du travail de François Mitterrand, et Michel Sapin, le ministre d’aujourd’hui, «  la compétitivité passe par le dialogue social ».

Confiance, mais impatience de voir les résultats

Les échanges avec la salle ont montré à la fois la confiance globale dans la démarche et l’impatience de voir des résultats sur le terrain. Si l’importance de l’agriculture et de l’agroalimentaire est reconnue, personne ne doit oublier l’importance du bâtiment et des travaux publics : c’est 18000 emplois aussi et la crise est là. Il faudrait que puisse s’engager le grand chantier de la rénovation thermique des logements, mais pour l’instant, les actions restent bien timides. Quant à la croissance, attendue et nécessaire pour la création d’emplois, il ne faut pas la voir que sur les seuls critères du PIB, mais évaluer également le « développement humain » qui tient compte de l’éducation, de la santé, du bien-être.

La jeunesse, une chance pour la Bretagne

Monique DanionEn conclusion, Monique Danion a voulu donner un message d’espérance ; en effet, notre destin n’est pas le déclin, et nous, en Bretagne, nous avons montré notre capacité de résilience. Nous devons aussi assurer un avenir à la jeunesse : elle était au cœur du projet de François Hollande, en Bretagne, la jeunesse est nombreuse, elle est dynamique, ne la décevons pas, elle ne nous décevra pas, elle est la grande chance de la Bretagne.

Publié le dimanche 28 avril 2013, par Paul Paboeuf.

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