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Payer comme des malades ?

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Vous avez peut-être oublié cette affiche (reproduite ci-dessous) dont le texte vous interpellait : « Pourquoi payer comme un malade quand je ne suis pas malade ? » J’ai eu récemment à passer à l’hôpital de Vannes (mes amis, rassurez-vous, et les autres, n’ayez pas trop d’espoir). J’y ai croisé des gens qui ont bénéficié de soins très complexes, mobilisant des spécialistes dans plusieurs domaines. Personne ne leur a demandé s’ils avaient les moyens de payer ! La solidarité, à travers la sécurité sociale, a pris en charge l’ensemble des dépenses.

Mais alors qui paie ?

Des dépenses, oui, mais qui assure les recettes ? A peu près tout le monde ! Dans des proportions variables, cependant. Les trois principales sources de financement sont :

Avant la création de la CSG, qui touche tous les revenus, le financement de la Sécurité pesait presque exclusivement sur le travail. Malgré cette évolution, la France reste parmi les pays qui mettent le plus à contribution les revenus du travail. Plus d’information ici.

Les mutuelles

Les régimes obligatoires de Sécurité sociale ne couvrent pas la totalité des dépenses de santé, et il reste à la charge de l’assuré ce qu’on appelle le « ticket modérateur », censé lui faire prendre conscience du coût engagé et l’inciter à « modérer » ses dépenses. L’assuré est donc obligé de prendre une assurance complémentaire, souvent auprès d’une mutuelle, qui vient couvrir une partie du reste à charge, une trop petite partie pour les soins dentaires ou pour les yeux. Malheureusement, tout le monde ne peut pas se payer ces assurances complémentaires et les inégalités devant la santé se sont développées. D’où la création de la Couverture maladie universelle complémentaire en 1999 : la solidarité nationale intervient ainsi au bénéfice des plus défavorisés. C’est peut-être une question morale, mais c’est aussi un problème de santé publique. La recrudescence de la tuberculose en est un exemple probant : promiscuité et précarité sont des facteurs clés du développement du bacille.

Payer comme des malades ?

De l’observation des sources de financement, on voit bien que certains bénéficient de l’assurance maladie tout en y contribuant très peu, ou même pas du tout. Ce sont donc les autres qui paient... Mais le plafond vient bloquer la progressivité de la contribution, même si la CSG a permis de solliciter l’ensemble des revenus et pas seulement ceux du travail.

Il n’empêche que, pour certains qui refusent le principe de la Sécurité sociale, héritée du programme du Conseil National de la Résistance (1944 !), il ne faudrait payer qu’une assurance à proportion de ses priorités... et du risque de tomber malade. Très simplement, vous êtes jeune et en bonne santé, le risque est plutôt faible, donc ça va, c’est pas cher...Vous vieillissez, vous avez pris trop de poids, vous faites de l’hypertension, oh là là, votre assurance vous inflige un malus comme au mauvais conducteur... Et cela donnait cette affiche 4 x 3 où l’on voit une femme bon chic-bon genre qui s’interroge (et nous interroge) : « Pourquoi payer comme un malade quand je ne suis pas malade ? » Bon sang, mais c’est bien sûr ! Voilà qui est frappé au coin du bon sens ! Cette compagnie, qui s’arrogeait le titre de mutuelle, proposait de rembourser jusqu’à la moitié des sommes versées aux personnes qui ne sont pas malades et 10% d’économie sur le montant de la cotisation si vous renonciez au tiers payant et avancez systématiquement les frais avant d’en être remboursés. Exactement le système du bonus-malus. Bien loin des principes que j’évoquais plus haut hérités du pacte social du CNR : en résumé, on apporte selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins. Ce que proposait cette publicité, c’est l’égoïsme et l’individualisme contre l’idée même de solidarité, en faisant croire au gogo qu’il paiera moins tout de suite parce qu’il est en bonne santé... mais personne ne lui dit ce qui se passera quand il sera sérieusement malade ou simplement moins intéressant pour la compagnie d’assurance.

La révélation pour Jean-Marc Sylvestre

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Jean-Marc Sylvestre (wikipedia)

Grand pourfendeur de la dépense publique, ardent avocat du pur libéralisme, Jean-Marc Sylvestre a vécu une terrible expérience qui a été son chemin de Damas. Il l’a racontée dans un ouvrage publié en 2003, chez Ramsay.Il en parle ici sur son blog.

Et ci-dessous, la présentation de son livre sur un site de commerce en ligne :

Eté 2002. Tout commence par une petite douleur à l’épaule gauche. Le lendemain Jean-Marc Sylvestre est hospitalisé. Atteint d’une infection d’origine nosocomiale, due à un staphylocoque à tête dorée, il doit en outre subir une opération à cœur ouvert. Trois mois de galère aux frontières de la mort. Quand ça arrive aux autres, on compatit. Quand ça vous arrive, on regarde la planète d’une façon différente. Jean-Marc Sylvestre fait le récit de cette épreuve, qui l’a changé profondément. Il a vécu l’hôpital de l’intérieur, il a découvert la compétence et le dévouement des personnels de santé - médecins, infirmières et aides-soignants.

« Du système de santé, dit-il, je ne connaissais que l’ampleur du déficit de l’assurance - maladie. Un gouffre... » Le journaliste économique, connu pour ses convictions libérales, qui n’a eu de cesse de critiquer les errements comptables de la Sécurité sociale, admet aujourd’hui que c’est elle qui lui a sauvé la vie. Des mois d’hospitalisation, de très lourds protocoles antibiotiques, des scanners, des IRM... Sans les assurances sociales françaises et la liberté qu’elles donnent aux médecins, Jean-Marc Sylvestre n’aurait pas pu s’offrir cette chance de survivre. Notre système de santé est exceptionnel de qualité, nous pouvons nous en réjouir. Est-il équitable et juste ? La question sera posée.

Haletante comme un thriller, l’aventure médicale et intime d’un homme qui, convaincu d’être perdu, remet en cause ses convictions les plus profondes. Mais aussi la révélation des dégâts croissants causés par les maladies nosocomiales et un plaidoyer lucide en faveur du système de santé français.

Publié le vendredi 12 septembre 2014, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

Dans ces temps de crise, il y a ceux qui veulent en profiter pour saper le système de solidarité à sa base et ceux qui s’efforcent de la préserver au risque même de l’incompréhension et de l’impopularité. B. Poignant.

http://www.bernard-poignant.fr/A-pr...

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