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Jour de la libération fiscale ? De quoi s’agit-il ?

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Bien des villes bretonnes ont fêté le 70ème anniversaire de la Libération. La Libération avec un L majuscule, celle qui a marqué la fin de la domination nazie sur notre territoire. Hélas le mot Libération est aujourd’hui galvaudé, et on parle sans vergogne du « jour de libération fiscale »  ! Si vous n’êtes pas lecteurs du Figaro, des éditos de M. de Kerdrel, l’expression n’a peut-être pas grande signification. Elle mérite pourtant qu’on s’y intéresse.

Une invention des antifiscalistes américains

Ce sont les antifiscalistes américains qui ont inventé ce concept ; pour ces gens-là, les dépenses publiques, financées par l’impôt, sont forcément arbitraires, contraires au dogme du libéralisme. Le « jour de la libération fiscale » marque la date où le contribuable travaille pour lui-même et non pas pour payer les impôts et les cotisations. Le grand prophète de cette idéologie, Milton Friedman, en 1980 (les années Reagan !), voulait en faire une sorte de « fête nationale » ! Il n’est pas surprenant que l’association ultralibérale, et antifiscaliste, « Contribuables associés » ait repris l’idée à son compte, suivie en cela par une partie de la presse libérale, même si certains journaux, même de droite, soulignent les biais et les raccourcis de ce calcul.

Un calcul biaisé

De façon assez simpliste, le calcul se fonde sur le « taux de prélèvements obligatoires », pour mesurer le poids des dépenses publiques et ensuite le rapporter au nombre de jours. Ce n’est pas très scientifique, mais c’est très efficace pour diffuser la thématique des impôts injustes, inutiles, confiscatoires et surtout trop élevés qui ne servent qu’à gaver un Etat obèse. Les prophètes de cette idéologie cachent délibérément une autre face de cette réalité : pour une très large part, ces prélèvements sont immédiatement redistribués aux contribuables sous forme de prestations sociales (retraites, assurance maladie, allocations familiales, etc.) ou investis dans des équipements collectifs comme les routes, les écoles, les hôpitaux.

D’autres pays ont fait d’autres choix. Ainsi les Etats-Unis, malgré les efforts récents du président Obama, laissent à l’initiative privée la couverture maladie et n’ont pas de « sécurité sociale . » Evidemment, si votre assurance ne couvre pas les frais d’hospitalisation, il vous faudra sortir la carte de crédit avant d’entrer à l’hôpital. Et pourtant, aux USA, les dépenses de santé représentent 17,9 % du PIB (2012) ; à comparer avec les 11,7 % pour la France et les 11,3 % pour l’Allemagne.(Voir les tableaux ici)

Un indice peu pertinent, des comparaisons sans fondement

Une très grande part de la dépense publique totale revient donc aux contribuables. Et d’ailleurs, si on corrige ces chiffres pour avoir une évaluation nette des transferts sociaux (des retours aux citoyens), le taux de prélèvement descend pour la France aux alentours de 17 %, un taux relativement stable depuis 1959.

Pourtant, les docteurs de la loi économique libérale expliquent qu’en France, c’est pire qu’ailleurs. Ce « jour de libération fiscale » est placé au 28 juillet 2014 pour la France, qui fait mieux que la Belgique (le 6 août) mais moins bien que l’Allemagne (11 juillet), que beaucoup de pays (courant juin). Tandis que Chypre atteint la liberté le 21 mars. Mais cela veut-il dire quelque chose si on ne sait pas comparer des fiscalités radicalement différentes ?

Alors, à quoi ça sert ?

A pas grand chose, sinon à alimenter – sur des bases bien fragiles – le discours ambiant sur l’excès de dépenses publiques ! Car même les plus ardents promoteurs de cette idée reconnaissent que rien ne garantit que la gestion privée des services reviendrait moins cher aux bénéficiaires. Pour autant, cela n’interdit pas d’admettre que le poids des prélèvements fiscaux en France reste parmi les plus élevés ni de s’interroger sur l’efficacité des dépenses publiques.

Là est le vrai débat, là est l’exigence qui s’impose à tous les responsables publics. A charge pour eux de démontrer que les choix pour lesquels ils ont été désignés sont les plus rigoureux, les plus justes. Et de répondre clairement et sans démagogie, sans faux fuyant, aux interrogations des citoyens, conformément à l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

Publié le samedi 16 août 2014, par Paul Paboeuf.

Messages

  • Salut Paul,
    Encore un exemple de l’absurdité du regard comptable des libéraux sur le monde.
    Le monde est fait d’hommes qui vivent, rient, pleurent, agissent et meurent au quotidien. L’homme est un être sensible pas une machine à calculer.
    Si l’on en croit le classement des « Contribuables Associés », soutien de Nicolas Dupont-Aignan, les pays développés pour lesquels ce « fameux » jour est le plus tôt dans l’année sont la Suisse et la Corée du Sud.
    La Suisse a voté l’année dernière une « fermeture » de ces frontières aux étrangers, ces économistes ne pourront donc probablement pas y émigrer. Bel exemple de repli sur soi.
    Ils peuvent alors aller en Corée du Sud.
    Avant de partir, je conseille à tous ces libéraux par ailleurs souvent également très pratiquant d’un point de vue religieux l’article suivant http://fr.euronews.com/2014/08/15/c...
    Je conclurait par cette citation d’un démocrate bien connu :
    « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »
    de John Fitzgerald Kennedy
    Extrait du discours d’investiture 20 janvier 1961

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