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Communes dortoirs ? Peut-être bien

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Commune dortoir ? C’est une expression souvent entendue à propos de Questembert. Voilà maintenant qu’elle réapparaît dans le débat autour du diagnostic de territoire réalisé par le cabinet Citadia pour le PLU intercommunal. De nombreux indices concrets tendent à montrer que ni Questembert ni le territoire de la Communauté ne méritent pas ce qualificatif. Cependant, les modes de vie des nouveaux habitants et même des autres nous invitent à réfléchir sur les questions de mobilité.

L’indicateur de concentration d’emploi

L’INSEE publie à partir des données de recensement des synthèse par territoire intitulées « dossier local ». Parmi les informations qu’on y trouve, il y a l’indicateur de concentration d’emploi qui compare le nombre d’emplois dans la zone avec le nombre d’actifs ayant un emploi résidant dans la zone. Ainsi Questembert en 2012 avait un ICE de 93,5 (2751 emplois pour 2942 actifs), Lauzach, avec Procanar, atteint 131,4 (585 emplois pour 445 actifs. Au niveau de la Communauté, l’ICE est de 70,2 (6397 emplois pour 9111 actifs). Cela ne veut pas dire que 70 % des actifs travaillent sur le territoire communautaire ! Parce qu’il y a des échanges d’une commune à l’autre et d’un territoire à un autre. Ainsi sur les 2751 emplois comptabilisés à Questembert en 2012, seulement 1133 (41%) étaient occupés par des résidents de la commune. Voir ici le dossier de Questembert et là le dossier de la Communauté.

Migrations pendulaires, mobilités divergentes

Ce terme un peu barbare décrit la situation de ceux qui habitent une commune et qui travaillent dans une autre. C’est une des conséquences de la métropolisation et de la dissociation entre les zones d’activités (centre-ville, pôle d’activités) et les zones d’habitations en périphérie (banlieues, espaces péri-urbanisés). Dans notre Morbihan Est, à dominante rurale, avec des unités industrielles assez dispersées, la polarisation des emplois est moins nette, malgré le poids de l’agglomération vannetaise : déjà en 2009, 27 % des actifs de notre territoire allaient travailler dans Vannes Agglo. (voir ici les pages de la revue Octant)

Evidemment, habitat dispersé, même avant le mitage des dernières décennies, emploi éparpillé, tout cela conduit à des déplacements (les fameuses migrations pendulaires) qui se font dans une très large proportion en voiture individuelle : plus de 80 % ! Et ces déplacements tendent à s’allonger ; en 2009, la revue Octant écrivait : « La distance entre le domicile et le lieu de travail s’allonge : la moitié des actifs quittant leur commune pour aller travailler font plus de 10,6 kilomètres, soit 2 kilomètres de plus qu’en 1999 ».

Ajoutez à cela que dans un couple, l’un peut travailler ici et l’autre là. D’où le choix de résider sur notre territoire. Juste un exemple : lui travaille à Lorient, elle à Malestroit, deux enfants en bas âge, ils choisissent Questembert parce que crèche à deux pas, écoles tout près, piscine, cinéma, commerces, et gare, etc.

Quelles attentes de ces nouveaux habitants ?

La population s’est accrue fortement, et nous avons accueilli des habitants qui ont vécu dans d’autres régions, d’autres contextes culturels. Il y a quelques années, quand vous regardiez la liste des enfants inscrits à l’école ou des électeurs inscrits sur les listes, vous pouviez assez facilement situer les familles ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et ces nouveaux habitants n’ont plus du tout les mêmes attentes et leur investissement dans la vie locale est radicalement différent. Le sociologue Jean Viard décrit avec pertinence ces comportements qui peuvent nous dérouter : « Cet étalement de la ville, ce culte résidentiel du village, ou des vieux quartiers, induisent une société avec des habitants dont nous savons où ils dorment, car c’est là qu’on les recense. Nous savons beaucoup moins où ils travaillent et où ils consomment, se rencontrent et se divertissent. Près de 70 % des gens ne travaillent pas dans la commune où ils dorment. Et comme chacun vote là où il dort plus que là où il travaille, le vote est souvent conservateur, pour préserver le silence, le calme, de bonnes écoles et un homogénéité sociale « confortable ». Quant aux grands projets, aux infrastructures et au développement..., ce sont d’excellentes idées, mais ailleurs. Jean Viard, Lettre aux paysans et aux autres sur un monde durable, Éditions de l’Aube, 2009.

Communes dortoirs ? Peut-être bien

Même si notre « indicateur de concentration d’emploi » n’est pas si défavorable, le lien entre l’habitant et le territoire s’est distendu. Et nos communes sont, comme le souligne Jean Viard, le lieu où l’on rentre dormir !

La donne a changé de façon radicale et toutes nos institutions doivent s’y adapter : le périmètre restreint de la commune peut-il garder quelque pertinence alors même que les habitants en ont effacé les frontières ?

Du moins, ceux qui ont les moyens de la mobilité : la voiture (et d’abord le permis de conduire), l’accès internet et si possible le haut-débit. Parce que pour les autres, c’est l’assignation à résidence, Et si nous voulons croire encore à l’égalité républicaine, il nous revient d’apporter des réponses à ces interrogations nouvelles.

Publié le dimanche 13 mars 2016, par Paul Paboeuf.

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