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Albert Camus au Panthéon ?

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Nous voilà sans doute bien loin des préoccupations questembertoises, et pourtant, la question de transférer les cendres d’Albert Camus au Panthéon me semble tellement saugrenue aujourd’hui que j’en fais la matière de cette réflexion que je veux partager avec vous.

Après avoir tenté de récupérer Guy Môquet, Jean Jaurès, les résistants du plateau des Glières, le président aurait bien voulu mettre dans son tableau de chasse médiatique un grand écrivain du XXème siècle en faisant transporter au Panthéon, les cendres d’Albert Camus. Le cinquantième anniversaire de sa mort, le 4 janvier 1960, aurait fourni l’occasion d’une cérémonie grandiose, où la gloire de l’écrivain, prix Nobel de littérature en 1957, aurait rejailli sur le président.

Heureusement, Jean Camus, le fils du président, refuse cette idée, craignant à juste titre une « récupération » de son père par le chef de l’Etat : ce serait un « contresens » pour l’auteur de l’« Homme révolté ».

Pourtant, Albert Camus mériterait sans doute de prendre place au Panthéon à côté de Diderot, Voltaire, Victor Hugo, Alexandre Dumas, ou encore Jean Moulin. « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante, » dit l’inscription gravée au fronton.

Né pauvre en Algérie, il avait définitivement choisi le camp des faibles contre les puissants, Il fut le seul journaliste français à dénoncer la répression colonialiste des émeutes de Sétif et Guelma en mai 1945. Il osait parler de guerre d’Algérie, alors que d’autres ne voyaient que « des opérations de maintien de l’ordre ». Trop attaché à sa « patrie algérienne », il fut pourtant incapable d’accepter l’idée d’une indépendance algérienne.

Epris de justice, il disait modestement : « Ce que je sais de la morale,c’est au football que je le dois. » Enfin, c’était un peu plus de 50 ans avant la main de Thierry Henry qui a inspiré ce nobel commentaire présidentiel : « l’essentiel est de s’être qualifié. »

Grand écrivain, sûrement : L’Etranger, La Peste, sont deux chefs-d’oeuvre. Mais d’une écriture sobre, sans fioriture, bien éloignée du clinquant, du bling-bling et des approximations linguistiques du président.

Oui sans doute, Albert Camus mérite le Panthéon, Mais pourqu’on puisse croire qu’il s’agit d’autre chose que d’un coup de communication, il faudrait que le président suive l’exemple de l’écrivain....

Comme Camus, préférer les instituteurs aux prêtres pour enseigner les valeurs ; ne pas se plier aux valeurs du marché faisant la loi ; ne pas mépriser ni les syndicalistes, ni le syndicalisme, ni les grèves, mais au contraire compter sur le syndicalisme pour incarner la vérité du politique ; destiner l’action politique à l’amélioration des conditions de vie des plus petits, des humbles, des pauvres, des démunis, des oubliés, des sans-grade, des sans-voix dans la logique du socialisme libertaire, comme Camus.

Publié le dimanche 6 décembre 2009, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

Selon le Canard enchaîné, le président n’a pas pu lire l’Etranger, Besson l’avait déjà expulsé.

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